lundi 24 décembre 2012

Les Tudors: une cascade d'illégitimés. Deuxième partie.


(voir nos articles du 17 et du 23 décembre 2012)

 
Henry VII, le premier roi de la dynastie Tudor, entendait toujours des voix. Des voix qui chuchotaient derrière son dos « fils de bâtard »… «  Ta grand-mère, Catherine de Valois a-t-elle été vraiment mariée à ton grand-père Owen Tudor ? ». Des voix qui chuchotaient : « où sont les véritables héritiers de la couronne d’Angleterre ? » « Où sont disparus les deux jeunes princes enfermés à la Tour de Londres ? » « Où sont Edouard de York et Richard de York, les deux petits frères de ton épouse ? »…(Elizabeth de York, fille d'Edouard IV et nièce de Richard III que Henry Tudor a
éliminé à la bataille de Bosworth Field pour se faire couronner à sa place.)

 Durant son règne, Henry VII Tudor  a rempli les caisses du royaume, si vides après un siècle de guerres. Il a bien gouverné. ...Il a eu deux fils et deux filles vivants. Et pourtant, il avait peur. Peur d’être renversé. Peur d’être contesté par des héritiers qui auraient plus de légitimité dynastique que les Tudors. Peur des « prétendants », assez farfelus, comme Lambert Simbel ou  Perkin Warbeck- surtout de ce dernier,  dont on a dit qu’il n'était autre que le plus jeune des deux fils du roi Edouard IV, le prince Richard de York, mystérieusement disparu à la Tour…(Warbeck a effectivement une certaine ressemblance avec le bel Edouard IV . Donc, cela voudrait dire, que désormais n’importe quel lointain bâtard qui porterait les traits d’Edouard IV pourrait l’évincer du trône ?) Tout le long de son règne Henry VII a craint de perdre sa légitimité.

 Pourtant,selon les historiens modernes( et beaucoup de romanciers modernes) Henry VII avait de très bonnes raisons de savoir que ces « prétendants » ne faisaient que mentir. Déjà Horace Walpole, au 18-ème siècle (Historic Doubts on the Life and Reign of Richard III) met en doute la monstruosité de Richard III telle qu’elle est décrite dans la pièce de Shakespeare et nie sa culpabilité dans l’assassinat des deux petits princes, ses propres  neveux, Edouard (11 ans) et Richard (9 ans)…Aussi bien H.Walpole que Clements Markham, au début du 20-ème siècle désignent plutôt Henry VII comme étant le principal intéressé dans la disparition des deux  jeunes héritiers de la Maison York. Selon ces auteurs Henry VII a ordonné lui-même leur assassinat à la Tour de Londres. Et c’est surtout la culpabilité qui l’a torturé sa vie durant…

 Henry VII marie son fils aîné, Arthur, à Catherine d’Aragon, fille de leurs majestés catholiques Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon(donc une des maisons royales les plus respectables et les plus « légitimes » d’Europe). Mais vu la jeunesse et  la santé délicate d’Arthur il  interdit au jeune couple de consommer le mariage durant les premiers mois…Et voilà qu’Arthur décède et Catherine reste  une très jeune veuve, « aussi intacte que  le jour de sa naissance » ,(comme elle affirmera jusqu’à son dernier  jour). Après une dispense accordée par le pape, Catherine d’Aragon finira par épouser Henry VIII, frère de son défunt mari. Ce sera un mariage d’amour qui finira en tragédie, une tragédie qui bouleversera le cours de l’Histoire européenne. En 1532 Henry VIII, qui cherche à divorcer Catherine depuis six ans, parce qu’elle ne lui a pas donné un héritier mâle, et qu’il est fou d’amour pour Anne Boleyn, fait annuler le mariage avec son épouse fidèle et aimante de 23 ans. Il répudie Catherine, issue d’une noble lignée et très aimée par le peuple, et déclare que sa fille unique Mary est une bâtarde (puisqu’il n’y a pas eu de vrai mariage…selon lui…) et ceci pour épouser une « nobody » ambitieuse,Anne Boleyn, que le peuple déteste et crie sur son passage « NO NAN BULLEN !! » (Nan étant le diminutif de Anne qu’on donne à des domestiques…)

 Anne Boleyn perd sa place et sa tête en 1536 : son mariage est annulé et sa fille unique, Elizabeth est déclarée illégitime…Maintenant, la question se pose : QUI était vraiment illégitime ? Si le mariage entre Catherine et Henry n’en était pas un (comme le prétendait Henry de parfaite mauvaise foi) Mary Tudor était illégitime… Si leur mariage était valide, alors l’union entre Henry VIII et sa maîtresse, Anne Boleyn  ne l’était pas et Elizabeth était bâtarde…

Finalement, avec l’incohérence, la folie (la folie des Valois, ses ancêtres ? ) et l’autoritarisme capricieux qui le caractérisent tant, Henry  déclare(sans donner d’explication…) que  ses deux filles sont héritières légitimes et régneront en cas de décès de leur frère (le fils légitime que Henry a fini d’avoir), Edouard VI. Le parlement anglais confirme cette décision en 1544.

 Donc, les deux princesses humiliées dans leur enfance finiront par régner. Paradoxalement Mary la Catholique (Bloody Mary : Marie la Sanglante) dont la légitimité n’a  jamais  été vraiment contestée par le peuple, sera détestée. Elizabeth, dont la mère a été traitée de tous les noms, dont on a chuchoté qu’elle n’est pas seulement un enfant adultérin mais qu’elle est, peut-être, issue d’une relation incestueuse entre Anne Boleyn et George, son frère, eh bien c’est cette Elizabeth-là, Elizabeth I d’Angleterre qui deviendra, selon les mots du poète Edmund Spenser, « Gloriana », la reine adorée, le plus grand monarque que l’Angleterre n’at jamais connu.

 
Je vous suggère de visionner à nouveau « Anne des milles jours » (Anne of the Thousand Days) de Charles Jarrot, avec, dans le rôle de Henry VIII Richard Burton et dans le rôle d’Anne Boleyn la canadienne (excellente actrice !) Geneviève Bujold. L’actrice anglaise,( actuellement députée au parlement britannique), Glenda Jackson, donne une très bonne interprétation dans la série télévisée anglaise «  Elizabeth R. ». Si vous n’êtes pas allergique aux inexactitudes historiques, vous pouvez revoir « Les Tudors », série télévisée avec Jonathan Rhys-Meyers.

D’autre part je  vous recommande « To Hold the Crown : the Story of Henry  VII and Elizabeth of York » par Jean Plaidy, actuellement publié par Three Rivers Press à New York. De Jean Plaidy également, trois romans publiés dans un seul volume : « Katharine of Aragon, the Story of a Spanish Princess and an English Queen »  chez Three Rivers Press, New York.

 

Elisheva  Guggenheim -Mohosh

dimanche 23 décembre 2012

Les Tudors: une cascade d'illégimités. Première partie.



La dynastie des Tudors qui a fait basculer l’Angleterre de son statut de  petit royaume médiéval vers un statut d’une grande puissance européenne de la Renaissance, a toujours été frappée par ses ennemis du sceau de l’illégitimité.

 Les soupçons remontent très haut dans le Moyen Age, vers le milieu du 14-ème siècle. Une noble Dame, nommée Katherine Swynford  devient la maîtresse du Prince John (John of Gaunt), troisième fils du Roi Edouard III. Ils ont  quatre enfants illégitimes, dont le premier se nomme John Beaufort, Comte de Somerset. Katherine Swynford (celle que l’historienne Alison Weir nomme « La Duchesse Scandaleuse ») est la mère d’à peu près  toutes les dynasties royales anglaises. Tout le monde descend d’elle en ligne directe, y compris la reine actuelle, Elizabeth II, ainsi que son fils et son petit-fils, les princes Charles et William, futurs rois d’Angleterre.

 Après des décennies d’amour interdit, Katherine Swynford devient, en 1393 la troisième épouse de John of Gaunt, Duc de Lancaster, ancêtre de la Maison Lancastrienne. Les quatre enfants, déjà adultes,( dont John Beaufort, l’aîné), sont légitimés par une Bulle papale. N’empêche : leurs descendants, qui ne sont que la branche cadette de la Maison Royale de Lancaster, porteront toujours le stigmate de cette légitimation tardive.

 Or la mère du roi Henry VII, le premier roi de la dynastie des Tudor, n’est autre que Margaret Beaufort, petite-fille de John Beaufort, le fils aîné de Katherine Swynford et John of Gaunt. Elle est donc tout à fait d’ascendance royale « Plantagenêt » ,( arrière-arrière petite-fille du roi Edouard III d’Angleterre.) Mais elle est aussi le veuve d’Edmund Tudor,  fils d’Owen Tudor et de Catherine de Valois…Et là tout devient à nouveau problématique.

 
Catherine de Valois, fille du roi fou Charles VI de France est restée veuve après un très court mariage avec Henry V, roi d’Angleterre. Solitaire, mère d’un bébé qui deviendra le roi fou (malédiction des Valois !) Henry VI d’Angleterre, la jeune veuve tombe amoureuse de son écuyer gallois, Owen Tudor. Grande discussion historique :   un mariage secret existait-il entre ces deux amants ? Leurs enfant étaient-ils légitimes ? Les ennemis de la dynastie Tudor ont toujours nié l’existence de ce « mariage secret »…Donc, Henry Tudor, Comte de Richmond, qui a vaincu Richard III  à la bataille de Bosworth Field, en 1485 et qui a pris la couronne d’Angleterre sous le nom de Henry VII a beau être très clairement d’ascendance royale par sa mère (Margaret Beaufort) et par sa grand-mère (Catherine de Valois). La question reste posée : son père, Edmund Tudor était-il un bâtard ?

 La Bataille de Bosworth Field est la dernière bataille de la très longue Guerre des Roses, entre les deux maisons royales ennemies, la Maison de York  et la Maison de Lancaster. Pour asseoir sa légitimité Henry VII Tudor épouse Elizabeth de York (fille du Roi Edouard IV et nièce du Roi Richard III). En unissant la Rose Rouge des Lancaster à la Rose Blanche de la Maison de York, il espère mettre fin à toute discussion autour de la légitimité de la nouvelle dynastie royale. Réussira-t-il ? Rien n’est moins sûr. C’est ce que nous verrons dans notre prochain article : Les Tudors, une cascade d’illégitimités .Deuxième partie.

 

Elisheva Guggenheim-Mohosh

lundi 17 décembre 2012

Richard III et Anne Neville:casser le stéréotype shakespearien!


(« The day is ours, the bloody dog is dead. » Shakespeare, Richard III, acte V.)

Essayez de visionner sur DVD ( ou même sur You Tube) quelques  scènes de trois films : le très classique «  Richard III » de Sir Laurence Olivier (1955) avec Sir Olivier dans le rôle de Richard III et Claire Bloom dans celui de Lady Anne, ou bien l’adaptation moderne de la pièce de Shakespeare, où Sir Ian McKellen (acteur et producteur) joue un Richard III dictateur fasciste des années 30’ dans le film de Richard Loncrain datant de 1995 (avec Kristin Scott-Thomas dans le rôle d’Anne Neville). Et, last but not least, le très original essai-cinématgraphique d’ Al Pacino, mi - théâtre filmé, mi- reportage : «  Looking for Richard » sorti en 1996. Ici c’est Al Pacino qui joue l’archétype du vilain shakespearien avec Wynona Rider dans le rôle de  Lady Anne Neville.

Ces trois excellentes adaptations de la pièce de William Shakespeare ont ceci en commun : elles perpétuent toutes trois le stéréotype shakespearien de Richard de Gloucester, monstre difforme et bossu, assassin sans scrupules, manipulateur cynique,  être totalement amoral. Pourquoi nous  réjouissons-nous tant lorsque, à la dernière scène, son cri pathétique «  Un cheval ! Un Cheval !… » reste sans réponse et qu' il finit par être tué à la bataille de Bosworth Field? Parce qu’il est tué, (du moins selon Shakespeare), par Henry, Comte de Richmond, plus tard  Henry VII, premier souverain de la dynastie des Tudor et Glorieux Grand-père de la Reine Elizabeth I, bienfaitrice de l’auteur ! On comprend alors mieux la phrase terrible de la dernière scène de la pièce : « The day is ours, the bloody dog is dead. » (Nous avons gagné. Le sale chien est mort.)

 Shakespeare fut, du moins jusqu’à 1603, un auteur de théâtre élisabéthain. Sa pièce est clairement une hagiographie de la dynastie Tudor. Il doit vilipender Richard III  (1452-1485),  le dernier souverain de la Maison de York , afin de mieux chanter la gloire de la nouvelle dynastie, celle des Tudors, (dont la légitimité a toujours été fortement contestée ).Shakespeare n’est pas le premier auteur  du 16-ème siècle qui décrit Richard III comme un monstre, aussi bien sur le plan physique que moral : Sir Thomas More l’a fait avant lui. Mais c’est la pièce de Shakespeare qui est « responsable » du stéréotype de l’être sans-cœur ,vil séducteur incapable d’amour, qui, en soumettant à sa passion Lady Anne, alors qu’elle accompagne le cercueil de son mari, déclare cyniquement, en se tournant vers le public: « I’ll have her, but I’ll not keep her long.. » Je l’aurai. Mais je ne la garderai point ! (entendez par- là : je l’éliminerai, elle aussi.. ).

 La romancière anglaise Jean Plaidy, que je cite souvent dans mes commérages, n’est ni la seule, ni même la première à remettre en question le stéréotype shakespearien de  «  Richard III être abject », « Richard III assassin » , « Richard III séducteur sans-cœur, qui ment comme il respire ». Ce stéréotype est très contesté depuis le 17-ème siècle. Ses défenseurs les plus ardents sont Horace Walpole au 18-ème siècle, qui nie la difformité monstrueuse de Richard et le fait que Richard soit le commanditaire de l’assassinat de ses jeunes neveux de 12 et 9 ans, disparus mystérieusement à la Tour de Londres. Clements Markham, au début du 20-ème siècle dit, d’une manière implicite, que c’était plutôt Henry VII qui a fait éliminer les jeunes princes, pour asseoir sa légitimité !

 Jean Plaidy, elle, consacre un roman, « The Reluctant Queen » (G.P. Putnam and Sons, New York, 1991) à Lady Anne Neville, épouse de Richard Duc de Gloucester, plus tard Richard III.Elle y décrit Richard comme un être loyal et aimable, très apprécié par ses sujets et adoré par sa femme, et ceci depuis leur plus tendre enfance…Très loin est l’image de Richard séduisant Lady Anne, dans une scène erotico-morbide, dans la pièce de Shakespeare. Selon Jean Plaidy, Richard a aimé Anne Neville depuis toujours, leur union était heureuse, malgré la tragédie de la mort de leur fils unique et les craintes d’Anne lors de l’accession de Richard au trône (craintes selon lesquelles il voulait se débarrasser d’elle pour épouser sa nièce, Elizabeth..) étaient injustifiées. Ces craintes venaient du fait  
que–selon Plaidy-  bien que Richard ait été   une personne fondamentalement loyale ,il  était  aussi un être  ambitieux et avait de nombreux ennemis qui le diffamaient. Anne, elle, ne voulait autre chose  qu’une vie familiale tranquille et heureuse .Elle n’a jamais voulu être reine, ni lorsqu’on l’a fiancé à Edward, prince de Galles (tué à la bataille de Tewkesbury ) ni lorsqu’elle a épousé l’amour de sa vie, le Duc de Gloucester, futur Richard III .Etre reine malgré elle était la tragédie de sa vie.

Alors que je suis en train de publier cet article, l’équipe d’archéologues qui cherchait les ossements de Richard III sous un parking dans le comté de Leicester, en Angleterre, vient de déclarer que selon les examens préliminaires de l’ADN les ossements correspondent à  ceux de Richard III. Si ces résultats se confirment, Richard III sera enterré en 2013, avec les honneurs dûs à son rang de Roi  d’Angleterre, en la Cathédrale de Leicester.

PS:
L’enterrement de Richard III  a finalement eu lieu début 2015, en présence de membres de la famille royale et du comédien anglais Benedict Cumberbatch, (descendant direct de la Maison de York et cousin- au 17- me degre- du roi Richard III) qui a lu un poème en honneur de son lointain parent.La cérémonie a eu lieu 530 ans après la mort de Richard de Gloucester ( Richard III)...

Elisheva Guggenheim-Mohosh.

dimanche 16 décembre 2012

John et Sarah Churchill,un couple d'amoureux très ambitieux.


Si vous croyez, comme moi, que les paroles des vieilles chansons françaises sont, souvent, de magnifiques documents historiques, essayez d’écouter une fois des enfants français qui chantent, sans comprendre le « background » historique et surtout, sans avoir la moindre idée de la cruauté absolue du texte : «  Malbrough s’en va-t-en guerre, mironton- mironton mirontaine… » Ils rythment souvent leur jeux  en chantant ces paroles avec la mélodie de la non moins célèbre chanson anglaise « For He’s a Jolly Good Fellow »…

Mais qui est ce « Malbrough » mystérieux, qui « s’en va-t-en  guerre » ? Il s’agit, bien sûr, de John Churchill, Duc de Marlborough, ex- amant  (gigolo ?) de la fameuse Barbara Palmer, Comtesse de Castelmaine, elle-même une des favorites-en-titre  de Charles II Stuart, roi d’Angleterre (The Merry Monarch of England…1660-1685). Mais cet épisode de jeunesse de  la vie de John Churchill est vite oublié si l’on considère sa biographie entière. Il est certainement le plus grand soldat de la fin 17-ème, début du 18-ème siècle. Vainqueur, (entre autres batailles de la longue guerre européenne  causée par la Succession d’Espagne),de la Bataille de Blenheim. Victoire pour laquelle la reine Anne Stuart  le récompense en finançant (en partie…) la construction d’une magnifique demeure familiale dans les environs d’Oxford : le splendid Château de Blenheim. John Churchill , issu de la petite noblesse anglaise, fonde une glorieuse dynastie : il est l’arrière-arrière-arrière-grand-père à la fois de Sir Winston Churchill et de Lady Diana Spencer, Princesse de Galles,l’épouse défunte du Prince Charles et mère du Prince William, futur roi d’Angleterre.

Mais revenons à la chanson. La gloire militaire de John Churchill est restée dans toutes les mémoires, certes, mais ils s’est fait beaucoup d’ennemis dans la conscience populaire européenne et les enfants français chantent encore  cette ronde enfantine pleine  de malveillance : « Malbrough s’en va-t-en guerre.. » « Qui sait s’il reviendra ? »  « Il reviendra à Pâques, ou à la Trinité ».  Mais, quelle joie : « La  Trinité se passe….Malbrough ne revient pas ! »

Quelle bonne nouvelle : John Churchill, duc de Marlborough, disparu sur le champ de bataille !! Il est, plus ou moins, un MIA ! (Missing  In Action… Comme à la Guerre du Vietnam…). Mais pourquoi ne pas aller plus loin dans la cruauté ? On avertit sa femme : il ne reviendra jamais. « Monsieur Malbrough est mort ! Est mort et enterré ! « 

Qui est cette épouse, et pourquoi est-on si heureux  de lui faire du mal ? Il s’agit, bien sûr, de la belle Sarah Jennings-Churchill, Duchesse de Marlborough, la femme la plus ambitieuse de l’Angleterre et l’amour de la vie de John Churchill. Et si cette ronde enfantine française est si méchamment  dirigée non seulement à l'encontre du grand soldat mais aussi à l'encontre de son épouse, c’est que l’histoire d’amour entre John et Sarah Churchill est certainement une des histoires d’amour les plus célèbres de la fin du 17-ème et le début du 18-ème siècle. John gagne ses batailles sur les champs d’honneur du continent européen. Sarah gagne ses batailles à la Cour de la reine Anne.

 Sarah Churchill est une manipulatrice et une intrigante De grande classe.Déjà lorsqu’elles n’étaient que des adolescentes la jeune Sarah Jennings  avait une relation très malsaine avec la jeune Anne Stuart, qui n’était, à l’époque, qu’une des héritières présomptives au trône d’Angleterre. Lorsque, après le renversement de son père catholique, Jacques II Stuart et après les décès successifs des héritiers de Jacques II(, les époux Mary II et Guillaume d’Orange, souverains conjoints d’Angleterre) c’est enfin Anne qui monte sur le trône en 1702. Après cette date il ne s’agit plus simplement d’une relation malsaine entre deux jeunes amies dont l’une (Sarah) domine totalement l’autre (Anne). Il s'agit désormais d’une relation entre une femme épanouie, mère de famille comblée et épouse
heureuse, qui par nature, par intérêt, mue par une ambition dévorante, manipule totalement un souverain régnant:  à savoir Anne Stuart.Anne, une femme malheureuse qui, sur 18 grossesses pathétiques n’a eu qu’un enfant vivant. Un fils malade qu’elle a adoré et qui est mort à l’âge de 11 ans.

 Sarah Churchill n’a qu’une obsession dans sa vie : l’avancement de la famille Churchill, la gloire de John, la grandeur de la dynastie des Marlborough. Elle deploie ses talents de manipulatrice non seulement auprès de la grosse et triste reine dont elle est la favorite.  Elle use de son  immense influence politique auprès les ministres et les partis, aussi bien lesWhigs que les Tories.Elle fait et et défait les gouvernements. Elle  tyrannise les architectes des grandes œuvres, ( dont l’architecte Vanbrugh  qu’elle déteste, car elle veut que ce soit le grand Christopher Wrenn, en personne, qui édifie le Palais de Blenheim, le plus grand monument consacré à la Gloire des Churchills et qui finira par coûter des sommes inimaginables ). Mais Sarah manipule également l’entourage de la reine Anne, y compris ses domestiques. Et c’est justement une femme de chambre de la reine, une parente pauvre qu’elle, Sarah, avait placée auprès d’Anne, qui causera sa perte. Abigail Hill, intrigante à sa manière douce, secrète et silencieuse, réussira à évincer l’exubérante Sarah Churchill de la place qu’elle occupait à la Cour  de la reine Anne. Anne qui va se révéler plus têtue, plus forte et moins bête que Sarah ne l’avait imaginée… Et c’est  Abigail Hill sera la nouvelle conseillère et la nouvelle favorite de  Queen Anne, la dernière des Stuarts.

Après la rupture de Sarah et d’Anne en 1711, le Duc et la Duchesse de Marlborough partiront en exil. Ils ne reviendront en Angleterre qu’après la mort de la reine Anne en 1714, lors de  l’avènement d’une nouvelle dynastie : celle des Hanovre. John mourra en 1722. Sarah, inconsolable, continuera à intriguer jusqu’à sa mort en 1744.

Pour illustrer ce récit je vous recommande la lecture de « Courting her Highness : the Story of Queen Anne » écrit par la romancière anglaise Jean Plaidy .Un bon livre, publié d’abord sous le titre « The Queen’s Favorites » par Robrt Hale,en 1966, à Londres,et ensuite  publié sous le nouveau titre aux USA, par Broadway  Paperbacks, en 1994,  une année après la mort de l’écrivain.

 Elisheva Guggenheim-Mohosh

 Voir aussi mon autre blog, Les Billets d’Elisheva Guggenheim et les quatre récits consacrés à la Guerre du Pacifique: www.elishevaguggenheim.blogspot.ch


 

samedi 24 novembre 2012

Les filles de Sir Thomas More.



J’ai revu récemment en DVD un film couronné de six Oscars en  1966 : " Un homme pour l'éternité" (A Man for all Seasons) de Fred Zinnemann, dont le scénario brillant est basé sur la pièce du dramaturge anglais Robert Bolt. J’ai revu ce film magnifique avec une certaine tristesse : tous les acteurs principaux sont maintenant disparus. Disparu Paul Scofield, Oscar de la meilleure interprétation masculine pour son rôle de Sir Thomas More, disparu Orson Welles (le Cardinal Wolsey), tout comme l’exubérant Robert Shaw, qui joue le roi Henry VIII, Dame Wendy Hiller, qui joue la formidable (au 16-ème siècle on l’appelait «  la harpie »…) Lady Alice More…Et ce qui est le plus douloureux, Susannah York, idole de notre adolescence, celle qui personnifiait la beauté anglaise (la véritable « english rose ») est morte en 2011. Dans ce film elle jouait Margaret More (Meg), la fille préférée de Thomas More….

Justement, Meg. Margaret More, la fille la plus cultivée de son époque. Dans le film c’est surtout elle qui est mise en évidence. En réalité Sir Thomas More (1478-1535), savant humaniste, avocat devenu conseiller du roi, puis chancelier du royaume, élevait au moins quatre, mais probablement cinq, voire six filles. Il avait trois filles d’un premier mariage : Margaret, Elizabeth et Cecily ainsi qu’un fils, John. Devenu veuf il a épousé une veuve, Alice Middleton qui avait, elle, selon les sources, une ou deux filles. Selon d’autres sources il aurait adopté la petite Anne Cresacre qui est devenue, plus tard, l’épouse de son fils John.

Ma version préférée est celle de la famille More, telle qu’elle est décrite par la romancière anglaise Jean Plaidy, dans son livre « The King's Confidante » (paru en 1970 aux USA chez Putnam’s Sons, et, précédemment, sous un autre titre, « St. Thomas’s Eve » chez Robert  Hale Limited, à Londres, en 1954). Jean Plaidy parle d’une immense famille heureuse, avec un fils et cinq filles, les trois filles de Sir Thomas (Meg, Elizabeth et Cecily), la fille d’Alice Middleton, Ailie,  et une orpheline adoptée, Margaret (Mercy) Gigs. Outre les parents (Thomas et Alice More) y résident un tas de jeunes hommes sympathiques, qui épouseront les filles (dont William Roper, mari de Meg, qui écrira en 1555 la première biographie de Thomas More),le savant humaniste Erasme de Rotterdam (qui partira, parce que Alice Middleton-More , la « harpie », le déteste…) et Hans Holbein le Jeune qui partira à la Cour du Roi Henry VIII pour devenir un des plus grands peintres-portraitistes de la Renaissance, mais aussi, et c’est moins connu, architecte et « designer » des joyaux de la Renaissance anglaise. L’ambiance idyllique, champêtre du roman sert de fond à une tragédie : celle du destin de Sir Thomas More (aujourd’hui, pour les catholiques, Saint Thomas More).Tragédie qui s’abattra sur tous ceux qui aiment cette grande figure historique, et, en premier lieu, ses filles (toutes les cinq).

Mais qui était Sir Thomas More ? En bref ( car il existe sur Wikipedia un très bel article que vous pouvez consulter) More était le plus grand savant humaniste anglais, resté dans la postérité essentiellement pour deux raisons. La première est son ouvrage Utopia ,mot qui signifie en grec soit « nulle part » soit « un endroit qui est bon ». Il s’agit d’une île imaginaire, avec un ordre social égalitaire où hommes et femmes auront la même éducation, où la propriété des terres et des moyens de production sera collective et où il régnera une absolue tolérance religieuse. Bref, le contraire de la société anglaise ou, en général, européenne de l’époque. Le mot Utopia,( Utopie) est devenu synonyme d’un rêve inaccessible, d’un ordre social impossible à atteindre. (du moins dans un avenir proche).Cet ouvrage a influencé tous les penseurs des siècles suivants, notamment Jonathan Swift
(auteur des Voyages de Gulliver) et tous les « socialistes utopiques », tels Saint-Simon ou Charles Fourier,( concepteur de l’idée des Phalanstères), les fondateurs des Kibbutz israéliens, ou les bolchéviques russes (le nom de Thomas More figure sur l’obélisque en bas du Kremlin…).

L’autre élément qui a contribué à sa renommée et qui a fait de lui un martyr catholique et même un saint (il a été béatifié en 1886 et canonisé en 1935) c’est sa résistance farouche à son souverain égocentrique, narcissique et tyrannique, le roi Henry VIII d’Angleterre et à l’idéee fixe de ce dernier : épouser sa maîtresse, Anne Boleyn, coûte que coûte. Même au prix d’un divorce mal vu par l’Eglise.   Même au prix d’une rupture avec Rome. En refusant  de reconnaître Henry VIII comme le chef de l’Eglise d’Angleterre, Thomas More scelle son destin : il sera décapité en juillet 1535.

L’opposition entre Henry VIII et Thomas More est au centre de la pièce de Robert Bolt et le film « Un homme pour l’éternité » de Fred Zinnemann. Le livre de Jean Plaidy suit le destin des cinq filles, des véritables « femmes modernes », femmes d’intérieur accomplies, épouses et mères de famille et, en même temps, des intellectuelles, parlant grec et latin, connaissant les auteurs classiques, les mathématiques et l’astronomie, à une époque où la plupart des femmes ne savait ni lire, ni écrire…Mercy Gigs (la fille adoptive) deviendra médecin et épousera un médecin de la Cour, le docteur John Clement. Même la « snobinarde » Ailie, la fille de Lady Alice More, qui ne rêve que de robes magnifiques et des bals de la Cour,et qui finira par épouser un noble Lord et devenir Lady Allington, même elle fera un effort surhumain !  Pour ne pas décevoir le père qu’elle aime, et ne pas être différente de ses sœurs savantes, elle parlera le grec et le latin… Mais, bien sûr, comme dans le film, ce sera Meg (Margaret More-Roper) la plus aimée, la préférée de son père. Celle qu’on donnera en exemple dans toute l’aristocratie anglaise et qui sera la preuve  vivante de la théorie de son père, à savoir, que les femmes ont la même capacité intellectuelle que les hommes et la même aptitude aux études !

C’est aussi Meg  qui, après la décapitation de Sir Thomas More, volera sa tête exposée sur le Pont de Londres et la fera enterrer dans le caveau de la famille Roper.

Elisheva Guggenheim-Mohosh..
voir aussi mon autre blog, www.elishevaguggenheim.blogspot.ch
actuellement une série de quatre articles à propos de l'attaque japonaise sur Pearl Harbor et ses
conséquences.


vendredi 2 novembre 2012

Lady Jane Grey: une seule tragédie, deux visions.


Lady Jane Grey, née en 1536 ou 1537, est la fille aînée de Henry Grey, Duc de Suffolk et de  Lady Frances Brandon .Frances Brandon est la fille de Mary  Tudor, la sœur cadette de Henry VIII. ( Mary est,un court moment, Reine de France. Ensuite , devenue veuve de Louis XII, elle épouse  Charles Brandon, son amoureux de toujours). Donc, Lady Jane Grey est très proche du trône : elle est la  petite- fille de Mary, la sœur  de Henry VIII,( donc la petite-nièce de Henry VIII ) et l’arrière-petite-fille du roi Henry VII Tudor…Mais Jane est, surtout, un enfant mal aimée, mal traitée, exploitée, battue, humiliée, tout autant que si elle était née dans un hameau misérable, dans une famille de mendiants.

Jane Grey est considérée, avec sa cousine Elizabeth Tudor (plus tard Elizabeth I) comme une des adolescentes les plus cultivées de la Renaissance. A l'instar d'Elizabeth, elle a comme professeur un grand savant humaniste. Dans le cas d’Elizabeth I  c’est Roger Ascham (Ascham,  qui deviendra ami et confident de Jane). L’humaniste qui enseigne le grec, le latin et l’hébreu à la petite Jane se nomme, lui, John Aylmer, mais la petite adolescente, fervente protestante, tient une correspondance  également avec Erasme de Rotterdam, et avec le réformateur zurichois Heinrich Bullinger. Au fond, ce que Jane Grey aime le plus dans sa très courte vie  ce sont les livres, les études, la correspondance avec les plus grands savants de son temps .L’idée du pouvoir ,( et surtout le pouvoir royal) lui  est complètement  étrangère. Contrairement à sa cousine brillante, Elizabeth Tudor, Jane Grey n’est pas ambitieuse...

Mais comment une adolescente si peu avide du pouvoir est-elle devenue Reine d’Angleterre ? Reine durant neuf jours, mais Reine quand même ?

Jane a été victime de l’ambition dévorante de trois personnes. D’une part ses parents, monstres sans cœur lorsqu’il s’agissait  de leur fille aînée, d’autre part John Dudley, le tout-puissant Duc de Northumberland, qui n’avait qu’une idée en tête : régner sur l’Angleterre à travers l’un de ses fils (n’importe lequel des cinq…) en le mariant à une héritière du trône.(voir notre article du 19 octobre 2012, «  Elizabeth I, une vieille fille très courtisée, deuxième partie ».) Or Jane Grey n’est pas une héritière directe au trône d’Angleterre. La fille aînée du roi Henry VIII, Mary, et la fille cadette de Henry VIII, Elizabeth, viennent avant elle dans l’ordre de la succession. Telle est la décision du Parlement anglais en 1544. C’est aussi ce qui ressort du testament de Henry VIII : si son héritier légal, le jeune Edward VI meurt  sans descendance, ce sera le tour de ses filles à régner. Qu’est-il donc arrivé ?

C’est que John Dudley, fervent protestant (tout comme Jane, tout comme le jeune roi Edward VI) est terrifié à l’idée de voir Marie la Catholique, cousine de l’Empereur Charles Quint, petite-fille des grands souverains catholiques espagnols Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon, monter sur le trône d’Angleterre et de ramener l'Angleterre dans le giron de Rome. Edward  VI est mourant. Il  a toujours été malade. John Dudley ne fait que précipiter sa mort en lui administrant, selon les rumeurs de l’époque, des doses d’arsenic… Et il convainc le jeune roi de nommer dans son testament Lady Jane Grey comme son successeur. Ceci en violation flagrante et de l’Acte du Parlement anglais de 1544 et du testament de son père Henry VIII.

Or, depuis deux mois Jane Grey est sa belle-fille, l’épouse de son fils Guilford  Dudley. Battue, enfermée, affamée par ses parents, elle  finit par consentir d’épouser le fils du Duc de Northumberland en mai 1553 .Jane qui n’a jamais voulu autre chose qu’étudier,  monte sur le trône, poussée par le clan Dudley, le 10 juillet 1553, à l’âge de 16 ans .La mascarade du règne de Jane Grey et Guilford Dudley, deux adolescents manipulés et innocents, durera 9 jours : Mary, l’héritière légale, soutenue par la majorité des anglais reprend le pouvoir. John Dudley est décapité, Jane et Guilford sont condamnés à mort. Mais Mary ne veut pas les faire tuer. Pour elle ce ne sont que des enfants . Jane est la fille de sa cousine, elle la connaît depuis toujours…Ce qui décide Mary  (« Bloody Mary » :Marie la sanglante…) de faire exécuter Jane et Guilford Dudley  au début de l’année 1554 c’est l’Insurrection de Thomas Wyatt (insurrection à laquelle Jane Grey n’est mêlée ni de près ni de loin : elle croupit depuis des mois à la Tour de Londres…). Une tentative de renversement de Mary  en signe de protestation contre son  mariage à l’héritier du trône d’Espagne, le futur Philippe II. Or le mariage à Philippe le catholique est le rêve de cette vieille fille qu' est la reine Mary ...

Mary promet d’épargner la vie de Jane si elle devient catholique. Jane refuse. Le 12 février Guilford est décapité. Jane devient un martyre du protestantisme en montant, le même jour, sur l’échafaud.

Jusque là pratiquement tout le monde est d’accord. Mais deux images différentes des relations entre les deux époux Dudley, Jane et Guilford, ont apparu  entre 1986 et 2006. Dans le film « Lady Jane » de Trevor Nunn, où la très jeune Helena Bonham-Carter a fait ses débuts cinématographiques en 1986, les relations entre les deux adolescents sont dépeintes d’une manière très romantique. Le mariage de convenance, arrangé par leurs parents ambitieux et intriguants, serait devenu un amour véritable et profond. Un amour qui  fleurit à l’ombre de la mort… Tout autre est l’image projetée par le livre de l’historienne Alison Weir (historienne souvent en tête de la liste des best-sellers du New York Times) .Son livre, « Innocent Traitor », paru d’abord à Londres chez Hutchinson en 2006, puis à New York chez Ballantine Books en 2007, dépeint Guilford comme un adolescent faible, grossier, qui  viole Jane à plusieurs reprises, un être abject pour qui elle a , tour à tour, de la haine, du dégoût et, à la fin, de la pitié .Car, après l’exécution de son père, enfermé avec ses frères à la Tour de Londres et attendant la mort, Guilford demande humblement pardon à Jane .Il lui donne un livre de prières en souvenir. Il demande un peu d’affection. Il est pathétique .Jane ne peut pas  lui pardonner l’humiliation des viols, mais comprend  qu’il a été, tout comme elle, un jeune être sacrifié sur l’autel de l’ambition démesurée des parents. Elle meurt d’autant plus terrifiée et abandonnée….


Elisheva Guggenheim-Mohosh. Voir aussi mon autre blog, Les Billets d’Elisheva Guggenheim : www.elishevaguggenheim.blogspot.com


vendredi 19 octobre 2012

Elizabeth I,une vieille fille très courtisée. Troisième partie: Lettice Knollys.

Dans notre article précédent (la deuxième de  nos trois réflexions sur la supposée virginité et  le refus de se marier de la reine Elizabeth I) nous avons vu qu’avec la disparition d’Amy Robsart, la jeune femme de Robert Dudley, Elizabeth a dû  «  renoncer » à l’idée d’épouser le grand amour de sa vie….Mais elle n’a pas renoncé  à le garder en permanence près d’elle, lui confiant un rôle de plus en plus éminent dans la conduite des affaires du pays, tant en politique intérieure qu’extérieure. Elle l’a fait Comte de Leicester, elle lui a donné des terres et des châteaux, elle l’a comblé d’honneurs, allant jusqu’à proposer en 1563 à Marie Stuart, Reine d’Ecosse, d’épouser Robert Dudley. Et c’est surtout Dudley qui a refusé net l’idée d’un tel mariage… Dudley qui n’a jamais renoncé, lui, à l’idée de régner un jour aux côtés d’Elizabeth…

 
Durant les dix-huit années où Robert Dudley  espérait encore , ni lui, ni Elizabeth n’étaient des modèles de vertu. Elizabeth avait ses favoris, Christopher Hatton et Thomas Heneage, et lorsque Robert Dudley, comte de Leicester faisait des scènes de jalousie, elle le menaçait de « l’abaisser » exactement comme elle l’a « élevé » (en clair, elle le remettait à sa place…) Mais s’il osait regarder une dame d’honneur  elle hurlait de jalousie. Lorsqu’elle exagérait, il quittait la Cour et allait bouder à la campagne… Elle le rappelait aussitôt, en le rendant bientôt jaloux, soit avec un gentilhomme de la Cour, soit avec un prétendant étranger, tel Eric de Suède, ou l’Archiduc Charles d’Autriche, ou avec le ridicule petit Duc d’Alençon, fils de Catherine de Médicis, de 22 ans son cadet, qu’elle appelait affectueusement sa «  grenouille ». (Leicester était « ses yeux »…)

 
Dudley, de son côté, a eu un enfant avec la veuve de Lord Sheffield, Douglass,née Howard, un fils qu’il  appelé Robert Dudley et qu’il aimait, mais qu’il n’a jamais reconnu comme son fils légitime, malgré les affirmations de Douglass Sheffield selon lesquelles il y a eu une cérémonie secrète de mariage entre Leicester et elle…


C’est que Douglass Sheffield n’a jamais été de taille à détourner Robert Dudley d' Elizabeth. Le danger est venu d’ailleurs : de la propre famille d’Elizabeth. De Letitia (Lettice) Knollys, comtesse d’Essex, fille de Catherine Carey-Knollys,qui elle, était soit la cousine germaine de la reine Elizabeth I, soit, selon la théorie de Philippa Gregory (The Other Boleyn Girl, en français Deux sœurs pour un roi) la demi- sœur d’Elizabeth ( dans la mesure où, selon cette théorie, non seulement Mary Boleyn était la mère de  Catherine Carey-Knollys, mais aussi Henry VIII son père biologique…Voir notre blog publié le 24 septembre.) Si on accepte l’hypothèse de Philippa Gregory,selon laquelle la mère de Lettice Knollys était en réalité la soeur de la Reine, Lettice aurait été carrément la propre nièce d’Elizabeth I.

 

Elizabeth ne parlait jamais de sa mère martyrisée, Anne Boleyn. Mais elle était toute contente de s’entourer de la famille de sa mère. A la belle Lettice elle a trouvé tout de suite un mari ennuyeux à souhait : Walter Devereux, comte d’Essex. Lettice a donné à Essex deux filles et deux garçons, mais elle s’ennuyait à mourir à la campagne. Elle adorait la Cour, ses intrigues, ses flirts, ses pavanes et ses gaillards dansés à la lumière des bougies… Elle a séduit Robert Dudley…et après la disparition mystérieuse de son mari , de « dysenterie » dans les marées d’Irlande, elle a épousé le Comte de Leicester d’abord en secret, ensuit devant son père .Les amants terribles tremblaient devant la réaction de la reine, lorsqu’elle apprendra la « trahison » de son amoureux. Et ils avaient raison de trembler. Plus exactement elle avait raison de trembler. Les hurlements de colère de la reine ont rempli son palais. Désormais elle n’appelait Lettice Knollys autrement que « la Louve » (The She Wolf…). Elle lui a interdit de paraître à la Cour, et la belle Lettice était condamnée à dépérir d’ennui  à la campagne, sans son mari, qui lui, n’était pas exilé de la Cour. Bien au contraire.

 
Avec les années, le beau Robert Dudley a vieilli, grossi, mais Elizabeth l’aimait toujours. Lorsqu’il  est mort, en 1588, elle s’est enfermée dans sa chambre trois jours. Ses courtisans ont fait briser les portes. La reine était prostrée de douleur, incapable de parler.

 
Quant à Lettice, elle s’est vite consolée avec son écuyer, le très jeune Sir Christopher Blount, qu’elle a épousé après la mort de Leicester. Mais le drame entre Elizabeth et elle n’était pas fini. Robert Devereux ,Comte d'Essex (le fils de Walter, Comte d'Essex, le premier mari de Lettice), beau-fils très aimé de Dudley, est devenu favori d’Elizabeth et ce malgré la grande différence d’âge entre eux .(32  ans) Mais Essex Fils n’avait pas la patience, le savoir- faire diplomatique, la capacité d’adaptation de  son beau-père, Robert Dudley .La reine l’aimait, mais elle lui pardonnait de plus en plus difficilement son orgueil insolent. Et finalement , le jeune Essex commet l’impardonnable : un matin, alors qu’elle s’habille, il pénètre dans sa chambre sans se faire annoncer…. Et il  voit cette femme narcissique, fière, hautaine, dominatrice, centre de son univers, telle qu’elle est vraiment. Sans perruque, sans maquillage, sans bijoux, diamants, rubis, velours et soies…Une femme vieille, avec des cheveux gris, triste, devant son miroir…Comme toujours, elle sait se dominer, elle sourit, donne sa main à baiser et lui dit qu’elle le verra plus tard. Mais elle ne le verra plus jamais.

 

Essex, qui ne cesse de s’agiter et de comploter, entraînant dans son sillage son jeune beau-père, Sir Christopher Blount, se fera arrêter et condamner à mort .Lettice demande une audience à Elizabeth et la supplie à genoux d’épargner son fils et son mari . Elizabeth la reçoit d’une manière calme, presque amicale, mais ne cède pas. Robert Devereux, comte d’Essex, le dernier amour d’Elizabeth et Christopher Blount, troisième mari de la « Louve » seront tous deux décapités en  1601. Elizabeth mourra en 1603. Et Lettice Knollys, Comtesse d’Essex, Comtesse de Leicester, Lady Christopher Blount, mourra à l’âge incroyable (pour l’époque), de 94 ans, bien après la fin de l’époque élisabéthaine, en 1634, sous le règne de Charles I Stuart .Elle a survécu à tous ceux qu’elle a aimés.
 

Quant à Elizabeth, qui a su donner son nom à toute une époque, qui  était adorée par ses sujets et chantée par les poètes (notamment Edmund Spenser), qui a encouragé Shakespeare, qui a vaincu l’Invincible Armada de Philippe II d’Espagne, qu’on a appelé Gloriana : était elle vraiment La Reine Vierge ? On ne le saura jamais.

 
Pour illustrer ce récit je vous recommande de voir ou revoir un film de Michael Curtiz, datant de 1939,   « La vie privée d’Elizabeth et Essex » avec Errol Flynn dans le rôle de Robert Devereux, Comte d’Essex et «  l’autre »  Grande Elizabeth , à savoir : Bette Davis, dans le rôle de la reine Elizabeth I.

 

Elisheva Guggenheim-Mohosh. Voir aussi mon autre blog, Les Billets d’Elisheva Guggenheim,
www.elishevaguggenheim.blogspot.com

Elizabeth I, une vieille fille très courtisée. Deuxième partie: Amy Robsart.

Lorsque Henry VII Tudor meurt c’est son fils Henry VIII qui monte sur le trône d’Angleterre . Henry VIII sacrifié à la vindicte populaire un des trésoriers de son père à la vindicte populaire : Edmund Dudley est décapité, Le fils de l’homme supplicié, témoin de la scène  , deviendra plus tard un des hommes les pus influents du royaume : John Dudley,Comte de Warwick.  John Dudley aura 5 fils et une ambition dévorante : régner sur l’Angleterre, à travers au moins un de ses enfants.


 Lorsque son cinquième fils, Robert Dudley rencontre la jeune Amy Robsart, fille  et héritière unique d’un gentilhomme de campagne, l’ambitieux John Dudley,( qui n’est pas encore le tout puissant Duc de Northumberland), ne s’oppose pas au mariage des deux adolescents. Il a d’autres fils à marier  et avancer sur la route qui mène vers le trône. On chuchote de  John Dudley qu’il aurait précipité en 1552 la mort du jeune roi Edward VI (héritier de Henry VIII). Auparavant il aurait convaincu le jeune roi moribond, protestant convaincu, de nommer comme héritière Lady Jane Grey, petite- fille de Marie, la sœur de Henry VIII, (en esperant ainsi écarter du trónt  l’héritière légale, Marie Tudor, fille aînée de Henry VIII, catholique passionnée !) Mais outre ses convictions religieuses, à savoir la haine du catholicisme  et de la papauté , John Dudley, tout puissant Duc de Northumberland, a une motivation plus profonde. Il arrange un mariage entre son fils Guilford  et Lady Jane Grey et met Jane (adolescente très cultivée qui n’a jamais voulu régner) sur le trône d’Angleterre. Au fond il espère régner en manipulant à sa guise les jeunes mariés.

Le règne de Jane Grey et de Guilford Dudley ne  durera  que 9 jours et se terminera dans un bain de  sang .Marie Tudor, Marie la catholique, (Bloody Mary) vaincra ses ennemis, fera emprisonner à la Tour de Londres Lady  Jane Grey et tous les mâles du clan Dudley. Tout le monde sera condamné à mort.L’ambitieux John Dudley,  Duc de Northumberland, son  jeune fils Guilford et la pauvre et très innocente  Lady Jane Grey seront tous les trois decapites.. Les autres fils Dudley resteront à la Tour de Londres , attendant la mort…

Et c’est là, à la Tour de Londres, à l’ombre de la mort, que naît l’amour entre Robert Dudley et Elizabeth Tudor, la deuxième fille de Henry VIII. Elizabeth vit, elle aussi, dans la terreur  d’une exécution, poursuivie à la fois par la jalousie sexuelle et la haine  religieuse de sa sœur vieillissante. Robert Dudley et Elizabeth Tudor ne cesseront de s’aimer leur vie durant. Graciés, libérés de la Tour, ils attendent la fin du règne sanglant de Marie. Finalement le rêve des amants se réalise en novembre 1558, lorsque Marie Tudor., fille aînée de Henry VIII rend l’ame. . Robert et Elizabeth ont tous deux 25 ans et toute la vie devant eux. Elizabeth I est reine d’Angleterre et Robert  Dudley est son favori, son amoureux, son futur mari…

Et Amy Robsart , l’epouse de Robert Dudley ?  Que devient elle dans tout cela?

Amy  n’est jamais reçue à la Cour. Elle vit seule ou avec des amis à la campagne. L’adolescente jolie mais simple a cessé, depuis longtemps,d’ intéresser son mari. La jeune femme est complètement  effacée devant la brillante Elizabeth Tudor. Elizabeth, qui, déjà enfant, parlait couramment le grec et le latin, l’italien, le français, l’espagnol… Elizabeth qui a eu comme professeur  Roger Ascham, un  grand savant de la Renaissance… Elizabeth dont la main est sollicitée par des princes et des rois… Et qui refuse toutes les demandes parce qu’elle n’aime qu’un seul homme : le mari de Amy Robsart.

 On sait que la jeune Amy est malade. Elle a, probablement un cancer du sein. Elle souffre beaucoup, aussi bien sur le plan physique que moral. Elle se sait en danger.

 Les courtisans d’Elizabeth ont très peur. Et si Amy Robsart disparaît, soit à cause de sa maladie soit à cause d’un… « accident »… ? Et si Robert Dudley devient libre d’ épouser la reine ? Et si, co-
régnant, il se venge sur les familles des nobles qui ont fait exécuter son père et son grand-père ?

Un jour de foire de 1560, tous les serviteurs de Cumnor Place, où réside  Amy Robsart, sont envoyés s’amuser au village. La suite est Histoire. On ne saura jamais ce qui est arrivé. Lorsque les domestiques reviennent de la foire, ils trouvent  Amy Robsart morte, couchée en bas des escaliers, la tête blessée, le cou rompu. Est- elle tombée ? S’est- elle jetée  elle-même, par désespoir ? L’a-t-on poussée ?

Tous les regards se tournent vers le mari. Et la reine. N’étaient-ils pas les principaux intéressés dans la disparition de l’épouse ? Si meurtre il y  a eu, qui l’a commis ? Qui l’a commandité ?
Elizabeth ordonne une enquête sérieuse et impartiale. La conclusion de l’enquête : accident. Ou, à défaut, suicide. Pas d’acte criminel.

 Mais le mal est fait. Elizabeth ne peut plus épouser Robert Dudley. (Mais le voulait-elle vraiment ? Voir à cet égard notre aricle précédent, publié le 15 octobre 2012.) L’Europe entière, l’Angleterre entière la rejetteront comme complice d’un meurtre.  La reine d’Ecosse, Marie Stuart, n’a-t-elle pas dit, en ricanant : « La reine d’Angleterre va épouser son écuyer, Robert Dudley, maintenant, qu’il a tué sa femme pour elle… »Le rêve de l’ambitieux Robert Dudley s’évanouit. En disparaissant, Amy Robsart l’a privé du trône.


Pour illustrer cette deuxième partie de notre série, je vous recommande la lecture d’une ouvre de jeunesse de Victor Hugo, «  Amy Robsart », pièce très mal reçue à sa représentation en 1828. Vous pouvez aussi lire le roman de Sir Walter Scott, «  Kenilwoth », écrit en 1821, et trois livres de la romancière anglaise Jean Plaidy (Victoria Holt) : «  A Favorite of  the Queen », publié aux USA en 1971  par G.P.Putnam’s Son ( et en Grande Bretagne, en 1955, par Robert Hale, avec le titre «  Gay Lord Robert ».) . Egalement par Jean Plaidy : «  Queen of This Realm » , autobiographie imaginaire d’Elizabeth I, publié par Putnam’s Son en 1984. Finalement sous le nom de Victoria Holt, Jean Plaidy a publié en 1978 «  My Enemy the Queen », autobiographie imaginaire de Lettice Knollys,  chez William Collins Sons&Co. C’est une rareté et c’est passionnant !


Elisheva Guggenheim-Mohosh. Voir aussi mon autre blog, Les Billets d’Elisheva Guggenheim, www.elishevaguggenheim.blogspot.ch.

Prochain commérage : «Elizabeth I, une vieille fille très courtisée. Troisième partie :Lettice Knollys. »

lundi 15 octobre 2012

Elizabeth I : Une vieille fille très courtisée…Première partie: Thomas Seymour

Elizabeth I, 1533-1603. Le plus grand monarque que l’Angleterre n’ait jamais connu. Fille du roi Henry VIII et de la reine Anne Boleyn. Déclarée illégitime lorsque sa mère, accusée d’adultère et d’inceste est décapitée en mai 1533. Rétablie dans ses droits successoraux  avant le décès de son père. Monte sur le trône en novembre 1558, à l’âge de 25 ans, après la mort de son demi- frère Edward VI et de sa demi-sœur Marie Tudor (Bloody Mary). Appelée aussi « Gloriana » ou encore : « La Reine Vierge ». Vierge, elle déclarait l’être, avec fierté, sa vie durant. Mais l’était- elle vraiment ?


Peu de célibataires dans l’Histoire ont été aussi courtisées que cette reine coquette,flirteuse, remarquablement intelligente et remarquablement narcissique. Ses courtisans, ses favoris, les Christopher Hatton, les Thomas Heneage, les Walter Raleigh, les Comtes de Leicester et d’Essex, dansaient autour d’elle comme des papillons de nuit autour d’une flamme…Elle jouait avec les prétendants étrangers, Philippe d’Espagne, Eric de Suède, l’Archiduc Charles d’Autriche, les Ducs d’Anjou et d’Alençon…Soufflant le chaud et le froid, désespérant tous ses conseillers qui voulaient qu’elle se marie et qu’elle donne un héritier au pays… Et qui comprenaient de moins en moins ses tergiversations, ses faux-fuyants, son « cinéma »….

Quels étaient ses motifs ? Quel était son secret ? Les historiens se perdent en conjectures. On parle de malformations gynécologiques qu’elle cachait… On avance comme raison sa peur panique du mariage au vu de ce qui est arrivé à sa mère, Anne Boleyn, et à la cousine de sa mère Katherine Howard,  toutes deux décapitées… On parle de son amour absolu du pouvoir qu’elle n’aurait jamais voulu partager avec quiconque. Et on parle d’un terrible secret : de l’accouchement d’un enfant illégitime à 15 ans. Une rumeur jamais vérifiée… L’histoire de cette rumeur sera la première de nos trois réflexions consacrées à la supposée virginité et au refus de se marier de la reine Elizabeth I.

Elizabeth a treize ans à la mort de son père. Déjà à ce moment là elle reçoit une demande en mariage de l’Amiral Thomas Seymour, frère de la reine Jane Seymour, troisième épouse de son père, morte en couches. Thomas Seymour est donc l’oncle du jeune roi Edward VI. Au même moment Seymour demande la main de l’autre fille de Henry VIII, Marie Tudor. Les deux princesses refusent la demande de l’ambitieux Amiral, qui finit par épouser la veuve (la sixième épouse) de Henry VIII, la reine Catherine Parr. Catherine Parr  est très aimée par les enfants du roi sanguinaire, et de tous les avis elle a échappé de peu au destin des précédentes épouses, car Henry, obsédé par l’idée d’avoir un héritier mâle (que Catherine ne lui a pas donné) et détestant les femmes savantes (Catherine Parr, comme Thomas Seymour fut une fervente protestante) a pensé un temps de la faire exécuter, elle aussi…

La pauvre Catherine Parr pense avoir enfin trouvé le bonheur : après trois mariages à des hommes âgés, ou malades, ou  tyranniques  et sanguinaires, elle épouse un homme qu’elle aime.Elle attend un enfant .Elle prend chez elle la Princesse Elizabeth, âgée de 14 ans et la petite Lady Jane Grey (la future reine tragique) pour veiller à leur éducation. Elle croit avoir fondé ainsi un foyer heureux. C’est sans avoir compté avec le caractère volage et ambitieux de son mari. Elizabeth lui plaît et il la poursuit de ses assiduités de manière éhontée. Il vient à sa chambre à moitié vêtu, chaque matin, pour la « chatouiller » ... Il découpe en morceaux sa robe de velours noir (qu’elle porte fièrement du haut de ses 14 ans…) devant sa femme qui croit, la pauvre, à un simple jeu taquin…Jusqu’au jour où son univers s’effondre : entre Thomas Seymour et Elizabeth ce n’est pas un simple jeu mais une histoire d’amour  qui va très loin. (Jusqu’où ? Nul ne le sait exactement…) Catherine, effondrée, renvoie Elizabeth. Elles ne se verront plus jamais : Catherine Parr meurt en couches  et Thomas Seymour, un homme trop ambitieux, qui fomente complot après complot, finira sur l’échafaud. Mais les rumeurs courent… Une sage- femme raconte avoir été menée, les yeux bandés, vers une maison où une très jeune fille  a accouché d’un enfant …

Etait-ce la Princesse Elizabeth ? Etait- elle devenue stérile à la suite de cet accouchement ? Etait-ce le secret qu’elle n’a jamais pu, jamais voulu  révéler ? Etait-ce  la raison de tous ses  volte-face,de toutes ses tergiversations devant les nombreuses demandes en mariage ?Etait-ce la raison pour laquelle elle  a toujours déclaré être et vouloir rester la Reine Vierge ?

Pour illustrer cette réflexion je vous recommande de  visionner un très joli film datant de 1953,Young Bess de George Sydney. Le film est remarquable à plusieurs titres. D’abord il sort  l’année du couronnement de la reine Elizabeth II, année où tout le monde est fasciné par la royauté anglaise. Jean Simmons ( dans le rôle de la jeune princesse Elizabeth ) et Stewart Granger (dans le rôle de l’Amiral Thomas Seymour) sont, à l’époque, mari et femme, après une liaison qui a fait scandale à cause de leur différence d’âge. Donc, il y a une certaine similitude entre l’histoire d’amour sur l’écran et la vie privée des deux interprètes principaux. Pour compléter le triangle amoureux la MGM a engagé Deborah Kerr pour le rôle de Catherine Parr (magnifique interprétation de l’actrice.). Et c’est Charles Laughton  qui joue à nouveau  Henry VIII, un rôle qui était déjà le sien en 1938, dans la Vie privée de Henry VIII d’Alexander Korda… Et, puisque nous parlons des Hongrois, mentionnons la musique du film, composée par Miklòs Ròzsa (Ben Hur, Quo Vadis…).Musique de toute beauté, selon l'avis de tous les spécialistes.

Elisheva Guggenheim-Mohosh. Voir aussi mon autre blog, Les Billets d’Elisheva Guggeneheim, elishevaguggenheim.blogspot.com ( blog consacré à des thématiques plus récentes). Quant au prochain" commérage historique", ce sera « Elizabeth I : Une vieille fille très courtisée. Deuxième Partie :Amy Robsart. »

PS: Pour plus de détailles sur la vie de Catherine Parr, voir notre article récent, paru en septembre 2014: "Catherine Parr: une reine entre amour et peur", commerageshistoriques.blogspot.com. E.G-M.

lundi 24 septembre 2012

Mary Boleyn, la soeur d'Anne : deux visions différentes!

Jusqu’à il y a dix ans personne, en dehors de quelques historiens, ne parlait de la sœur aînée d’Anne Boleyn, Mary. Pourtant, des gens très connus ont toujours déclaré fièrement être les descendants directs de Mary Boleyn ! Parmi eux : Lord Nelson, vainqueur de la Bataille de Trafalgar, Sir Winston Churchill, La Reine Mère Elizabeth, donc aussi Sa Majesté la Reine Elizabeth II ainsi que les princes Charles, William et Harry, mais aussi leurs épouses : Lady Di , Camilla  Parker Bowles,( la deuxième femme de Charles), Kate Middleton, la femme de William, et je pourrais continuer à l’infini….

Cette fierté de voir Mary dans son arbre généalogique date de plusieurs siècles. Mais l’engouement du grand public est dû, essentiellement, à la parution du livre de Philippa Gregory, » The Other Boleyn Girl », en 2001, Chez HarperCollinsPublishers, à Londres. Ce best- seller très imagé, bien écrit, facile à lire et romantique à souhait, a servi de base au scénario du film du même nom (en français Deux  Sœurs Pour un Roi), sorti en 2008, avec Scarlett Johansson dans le rôle de Mary Boleyn, Natalie Portman dans le rôle d’Anne Boleyn et Eric Bana dans le rôle du roi Henry VIII.. Le film, et surtout le roman présentent Mary comme une jeune épouse innocente de 14 ans, (mariée à William Carey à  12 ans…) que l’ambition impitoyable de sa famille, le clan Boleyn-Howard, pousse dans le lit du roi. Que Mary devienne la favorite du roi, qu’elle lui donne le fils tant souhaité, l’héritier mâle que la reine Katherine d’Aragon n’a pas réussi  à  donner à Henry : tel est  le rêve des parents, de l’oncle, de la sœur Anne et du frère George. Pas nécessairement de Mary, qui cherche l’amour et le bonheur. Bonheur qu’elle trouvera auprès de son deuxième mari, William Stafford, qui assumera tout : sa liaison avec le roi, ses deux enfants qui portent le nom Carey mais qui sont,en fait, la fille et le fils de Henry VIII, et, finalement, la chute de la Maison Boleyn, avec l’exécution, en mai 1536, d’ Anne Boleyn, de son frère George Boleyn et de tous les gentilshommes de la Cour accusés d’ être leurs amants…

En 2011 est paru un autre livre, best-seller lui aussi, écrit par l’historienne Alison Weir «   Mary Boleyn,The Mistress of Kings, » (Mary Boleyn, la maîtresse des rois) chez Ballantine Books, à New York et, sous un titre encore plus provoquant, à Londres, chez Jonathan Cape : «   :Mary Boleyn, the Great  and Infamous Whore »  « (Mary Boleyn, la grande putain infâme », titre qui fait allusion à la manière dont Mary était vue par certains chroniqueurs des siècles passés…) Rien que ces deux titres montrent l’abîme qui sépare les deux visions de Mary ! Où est l’innocente jeune épouse devenue la maîtresse de Henry VIII, en 1522, à l’âge 14 ans, telle que Philippa Gregory la conçoit ? Alison Weir, comme la plupart des historiens modernes, présente Mary comme la sœur aînée d’Anne (et non pas la cadette, comme le fait Philippa Gregory).Mary serait née  déjà en 1498 ( et non pas en 1508, comme le prétend Philippa Gregory.) Vers 1522, lorsqu’elle devient la maîtresse de Henry VIII elle est déjà âgée de 24 ans, mariée depuis deux ans à William Carey. Lady Carey aurait eu, alors qu’elle était jeune dame d’honneur à la Cour de France, une brève liaison avec François Premier et, ensuite, avec un peu n’importe qui (selon les



mauvaises langues de l’époque). Son père, horrifié, l’aurait ramenée en Angleterre et mariée., plus tard, à sir William Carey.Alison Weir ne croit pas que la liaison de Mary avec Henry VIII ait duré des années et aurait été de notoriété publique. Elle, qui est historienne, cherche en vain les traces  de cette liaison durable dans les sources de l’époque. Elle met aussi en doute la paternité de Henry  des deux enfants Carey. ( Lady Catherine Knollys-Carey et Henry Carey, cousins, amis et proches conseillers de la Reine Elizabeth I, la fille d’Anne Boleyn et de Henry VIII). Paternité qui est un des fils conducteurs du roman de Philippa Gregory….

Où est donc la vérité ? Dans le beau roman, ou dans la rigoureuse recherche historique ?

Ceux qui, selon l’énumération parue dans le livre d’Alison Weir, sont si fiers d’être les descendants des deux enfants Carey, Catherine Knollys-Carey et Henry Carey, seraients-ils issus non seulement de Mary Boleyn, leur mère, mais aussi d’un redoutable tyran devenu fou sanguinaire, le roi Henry VIII 
 ?

Pour en savoir plus sur l’atmosphère de la Cour d’Henry VIII je vous recommande non seulement le film « Deux Sœurs Pour un Roi » et la série populaire « Les Tudors » (avec Jonathan Rhys-Meyers dans le rôle d’Henry),  série bourrée d’inexactitudes  historiques selon Alison Weir, mais surtout, surtout, un film plus ancien sur la tragédie de la sœur de  Mary Boleyn, Anne. « Anne des Mille Jours » (« Anne of the Thousand Days »), un film de Charles Jarrot  tourné en 1969, avec le regretté Richard Burton dans le rôle de Henry VIII et la merveilleuse actrice canadienne Geneviève Bujold dans le rôle  d’Anne Boleyn ! Anne qui a  su évincer sa sœur Mary du lit et du cœur de Henry VIII et qui a payé de sa vie pour ses ambitions dévorantes.

Elisheva Guggenheim-Mohosh.
Voir aussi les Billets d’Elisheva Guggenheim www.elishevaguggenheim.blogspot.ch