vendredi 19 octobre 2012

Elizabeth I,une vieille fille très courtisée. Troisième partie: Lettice Knollys.

Dans notre article précédent (la deuxième de  nos trois réflexions sur la supposée virginité et  le refus de se marier de la reine Elizabeth I) nous avons vu qu’avec la disparition d’Amy Robsart, la jeune femme de Robert Dudley, Elizabeth a dû  «  renoncer » à l’idée d’épouser le grand amour de sa vie….Mais elle n’a pas renoncé  à le garder en permanence près d’elle, lui confiant un rôle de plus en plus éminent dans la conduite des affaires du pays, tant en politique intérieure qu’extérieure. Elle l’a fait Comte de Leicester, elle lui a donné des terres et des châteaux, elle l’a comblé d’honneurs, allant jusqu’à proposer en 1563 à Marie Stuart, Reine d’Ecosse, d’épouser Robert Dudley. Et c’est surtout Dudley qui a refusé net l’idée d’un tel mariage… Dudley qui n’a jamais renoncé, lui, à l’idée de régner un jour aux côtés d’Elizabeth…

 
Durant les dix-huit années où Robert Dudley  espérait encore , ni lui, ni Elizabeth n’étaient des modèles de vertu. Elizabeth avait ses favoris, Christopher Hatton et Thomas Heneage, et lorsque Robert Dudley, comte de Leicester faisait des scènes de jalousie, elle le menaçait de « l’abaisser » exactement comme elle l’a « élevé » (en clair, elle le remettait à sa place…) Mais s’il osait regarder une dame d’honneur  elle hurlait de jalousie. Lorsqu’elle exagérait, il quittait la Cour et allait bouder à la campagne… Elle le rappelait aussitôt, en le rendant bientôt jaloux, soit avec un gentilhomme de la Cour, soit avec un prétendant étranger, tel Eric de Suède, ou l’Archiduc Charles d’Autriche, ou avec le ridicule petit Duc d’Alençon, fils de Catherine de Médicis, de 22 ans son cadet, qu’elle appelait affectueusement sa «  grenouille ». (Leicester était « ses yeux »…)

 
Dudley, de son côté, a eu un enfant avec la veuve de Lord Sheffield, Douglass,née Howard, un fils qu’il  appelé Robert Dudley et qu’il aimait, mais qu’il n’a jamais reconnu comme son fils légitime, malgré les affirmations de Douglass Sheffield selon lesquelles il y a eu une cérémonie secrète de mariage entre Leicester et elle…


C’est que Douglass Sheffield n’a jamais été de taille à détourner Robert Dudley d' Elizabeth. Le danger est venu d’ailleurs : de la propre famille d’Elizabeth. De Letitia (Lettice) Knollys, comtesse d’Essex, fille de Catherine Carey-Knollys,qui elle, était soit la cousine germaine de la reine Elizabeth I, soit, selon la théorie de Philippa Gregory (The Other Boleyn Girl, en français Deux sœurs pour un roi) la demi- sœur d’Elizabeth ( dans la mesure où, selon cette théorie, non seulement Mary Boleyn était la mère de  Catherine Carey-Knollys, mais aussi Henry VIII son père biologique…Voir notre blog publié le 24 septembre.) Si on accepte l’hypothèse de Philippa Gregory,selon laquelle la mère de Lettice Knollys était en réalité la soeur de la Reine, Lettice aurait été carrément la propre nièce d’Elizabeth I.

 

Elizabeth ne parlait jamais de sa mère martyrisée, Anne Boleyn. Mais elle était toute contente de s’entourer de la famille de sa mère. A la belle Lettice elle a trouvé tout de suite un mari ennuyeux à souhait : Walter Devereux, comte d’Essex. Lettice a donné à Essex deux filles et deux garçons, mais elle s’ennuyait à mourir à la campagne. Elle adorait la Cour, ses intrigues, ses flirts, ses pavanes et ses gaillards dansés à la lumière des bougies… Elle a séduit Robert Dudley…et après la disparition mystérieuse de son mari , de « dysenterie » dans les marées d’Irlande, elle a épousé le Comte de Leicester d’abord en secret, ensuit devant son père .Les amants terribles tremblaient devant la réaction de la reine, lorsqu’elle apprendra la « trahison » de son amoureux. Et ils avaient raison de trembler. Plus exactement elle avait raison de trembler. Les hurlements de colère de la reine ont rempli son palais. Désormais elle n’appelait Lettice Knollys autrement que « la Louve » (The She Wolf…). Elle lui a interdit de paraître à la Cour, et la belle Lettice était condamnée à dépérir d’ennui  à la campagne, sans son mari, qui lui, n’était pas exilé de la Cour. Bien au contraire.

 
Avec les années, le beau Robert Dudley a vieilli, grossi, mais Elizabeth l’aimait toujours. Lorsqu’il  est mort, en 1588, elle s’est enfermée dans sa chambre trois jours. Ses courtisans ont fait briser les portes. La reine était prostrée de douleur, incapable de parler.

 
Quant à Lettice, elle s’est vite consolée avec son écuyer, le très jeune Sir Christopher Blount, qu’elle a épousé après la mort de Leicester. Mais le drame entre Elizabeth et elle n’était pas fini. Robert Devereux ,Comte d'Essex (le fils de Walter, Comte d'Essex, le premier mari de Lettice), beau-fils très aimé de Dudley, est devenu favori d’Elizabeth et ce malgré la grande différence d’âge entre eux .(32  ans) Mais Essex Fils n’avait pas la patience, le savoir- faire diplomatique, la capacité d’adaptation de  son beau-père, Robert Dudley .La reine l’aimait, mais elle lui pardonnait de plus en plus difficilement son orgueil insolent. Et finalement , le jeune Essex commet l’impardonnable : un matin, alors qu’elle s’habille, il pénètre dans sa chambre sans se faire annoncer…. Et il  voit cette femme narcissique, fière, hautaine, dominatrice, centre de son univers, telle qu’elle est vraiment. Sans perruque, sans maquillage, sans bijoux, diamants, rubis, velours et soies…Une femme vieille, avec des cheveux gris, triste, devant son miroir…Comme toujours, elle sait se dominer, elle sourit, donne sa main à baiser et lui dit qu’elle le verra plus tard. Mais elle ne le verra plus jamais.

 

Essex, qui ne cesse de s’agiter et de comploter, entraînant dans son sillage son jeune beau-père, Sir Christopher Blount, se fera arrêter et condamner à mort .Lettice demande une audience à Elizabeth et la supplie à genoux d’épargner son fils et son mari . Elizabeth la reçoit d’une manière calme, presque amicale, mais ne cède pas. Robert Devereux, comte d’Essex, le dernier amour d’Elizabeth et Christopher Blount, troisième mari de la « Louve » seront tous deux décapités en  1601. Elizabeth mourra en 1603. Et Lettice Knollys, Comtesse d’Essex, Comtesse de Leicester, Lady Christopher Blount, mourra à l’âge incroyable (pour l’époque), de 94 ans, bien après la fin de l’époque élisabéthaine, en 1634, sous le règne de Charles I Stuart .Elle a survécu à tous ceux qu’elle a aimés.
 

Quant à Elizabeth, qui a su donner son nom à toute une époque, qui  était adorée par ses sujets et chantée par les poètes (notamment Edmund Spenser), qui a encouragé Shakespeare, qui a vaincu l’Invincible Armada de Philippe II d’Espagne, qu’on a appelé Gloriana : était elle vraiment La Reine Vierge ? On ne le saura jamais.

 
Pour illustrer ce récit je vous recommande de voir ou revoir un film de Michael Curtiz, datant de 1939,   « La vie privée d’Elizabeth et Essex » avec Errol Flynn dans le rôle de Robert Devereux, Comte d’Essex et «  l’autre »  Grande Elizabeth , à savoir : Bette Davis, dans le rôle de la reine Elizabeth I.

 

Elisheva Guggenheim-Mohosh. Voir aussi mon autre blog, Les Billets d’Elisheva Guggenheim,
www.elishevaguggenheim.blogspot.com

2 commentaires:

  1. Ca aurait fait la joie des People magazines de l'epoque, Noemie

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  2. Cette histoire a fait la joie de centaines d'historiens, notamment Agnes Strickland(au 19-ème siècle), A.L. Rowse,Elizabeth Jenkins,
    Thomas Wright... Essayez de "farfouiller" dans les bibliothèques:
    c'est passionnant!Et si vous êtes trop "moderne" pour ça, les séries
    TV, les pages du Wikipedia se donennent, elles aussi, à coeur joie
    aux beaux jours de la Renaissance anglaise!
    Elisheva Guggenheim.

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