dimanche 14 septembre 2014

Catherine Parr: une reine entre amour et peur





Elle est surtout connue comme la sixième et dernière femme de Henry VIII, roi  d’Angleterre.
Celle qui lui a survécu. Celle qui a réussi à lui survivre, malgré tout...

Au printemps 1543 – un très beau printemps de la Renaissance anglaise – Catherine, Lady
Latimer, jeune veuve de trente ans, est très amoureuse. Mariée une première fois alors qu’elle était presque enfant à un vieillard, Lord Borough of Gainsborough, elle est restée veuve à l’âge de 15 ans. Sa mère, Lady Parr, veuve elle-même et véritable tyran domestique a arrangé un deuxième mariage pour sa fille, cette fois avec John Neville, Lord Latimer. Le même scénario que la première fois : un homme âgé  avec des enfants, un homme très gentil et  très riche .Donc, jusque là pas de drames, pas de peur . Mais pas d’amour non plus.

Ses deux maris ont laissé à Catherine Parr –à présent Lady Latimer –  des terres, des châteaux, de l’argent. Elle est encore jeune, pas très belle mais très charmante, douce, intelligente, d’esprit vivace. Et elle voudrait encore vivre, aimer, et, si possible, fonder une famille à elle, vraiment à elle. Lors d’une réunion qu’elle organise dans sa maison londonienne pour parler de cette « nouvelle religion » cette nouvelle interprétation de la Bible dont parle Martin Luther, elle rencontre Sir Thomas Seymour, frère de la défunte Jane Seymour, la troisième épouse du roi Henry VIII, qui a donné au roi son premier fils légitime, Edward, héritier du trône, puis a eu l’extrême gentillesse de disparaître une semaine plus tard, emportée par la fièvre puerpérale….Elle a donc rendu d’un coup deux services à ses deux frères ambitieux : d’une part devenir les oncles du futur roi  et et d’autre part rester influents et populaires . (entendez par- là  ne pas devenir, à terme, des beaux-frères hais,frères d’une femme dont le roi se serait lassé, qu’il aurait divorcé ou, carrément, ferait exécuter).Admirable sœur…

 Sir Thomas Seymour vient à la réunion de Catherine pas tellement par adhésion à la nouvelle doctrine religieuse. Il y vient parce qu’il hait le camp adverse, le camp catholique, le clan Howard opposé aux « Seymours, ces parvenus »…Et puis, pourquoi ne pas venir chez une jeune veuve qu’on dit solitaire, jolie et riche ?

Thomas Seymour n’a jamais été – et ne sera jamais – un homme «  transparent ». Il est terriblement ambitieux et son ambition empiète sur ses sentiments. Déjà à ce premier stade de ses relations avec Catherine Parr il a des « vues » sur les filles de la Maison Royale. Un jolie petite fille rouquine de dix  ans (la future reine Elizabeth I) fille cadette du roi… Une toute petite fille de cinq ans, Lady Jane Grey, petite nièce du roi…Une vieille fille de 27 ans, Mary (la future Bloody Mary,Marie la Sanglante) fille aînée du roi….D’accord, les deux petites sont trop jeunes, mais dans quelques années…. Mais lorsque son beau-frère, Henry VIII le remet vertement à sa place il jure  sur la mémoire de sa « chère sœur » qu’il n’a jamais, au grand jamais eu «  des idées pareilles »….

Justement, Henry VIII. Une année entière est passée depuis qu’il a fait décapiter sa cinquième femme, la très jeune et jolie Katherine Howard, accusée d’adultère. Maintenant il se sent désespérément seul. Il cherche une nouvelle femme. Douce et fidèle. Qui le comprenne, l’entoure et… soigne sa jambe ulcérée. Il ne comprend vraiment pas pourquoi toutes les dames de la Cour fuient avec effroi lorsqu’il les regarde. A-t-il jamais commis une injustice ?
A-t-il jamais puni quelqu’un qui ne le méritait pas ? Ne fut- il pas  toujours  un bon monarque et un excellent mari ?

Il se souvient alors d’une dame douce et agréable, la fille de Thomas Parr, Catherine….Elle serait parfaite : docile, habituée à la compagnie de maris plus agés et malades. Qu’on la fasse  donc venir sur le champ !  Toute la Cour jubile à cette idée géniale. Le parti catholique, Norfolk, Stephen Gardiner, Wriothesley jubilent, parce que Lord Latimer était un catholique convaincu et ils croient que sa femme était du même bord. Le parti protestant (clandestin) dont Cranmer, jubile parce qu'il sait  que Catherine fait partie de ceux qui sont  secrètement adeptes de la « Nouvelle religion ».Les enfants de Henry VIII se réjouissent d’avoir une belle mère gentille, aimante (et malléable !). Tout le monde est ravi sauf l’intéressée, qui est terrifiée, anéantie. Elle craint pour sa vie ( pour les jeunes femmes de l’aristocratie anglaise le mariage à Henry VIII est devenu synonyme de l’antichambre  d’une cellule dans la Tour de Londres suivie du billot!) Elle craint aussi pour la vie de Thomas Seymour, l’amour de sa vie. Elle n’ose pas refuser. D’ailleurs peut –on refuser quelque chose à Henry et rester vivant ? Ainsi,  le 12 juillet 1543, à Hampton Court, palais plein de souvenirs sinistres de la souffrance et la mort des épouses précédentes, Catherine Parr, Lady Latimer, épouse Henri VIII et devient Reine d’Angleterre.

Thomas Seymour part en mission (exil ?) vers la Flandre et même lorsqu’ils reviendra Catherine n’osera jamais lui adresser la parole. Elle tremble en permanence durant les trois ans et demi de son mariage avec le roi. Elle a devant elle l’exemple terrifiant d’Anne Boleyn et Katherine Howard, la deuxième et la cinquième épouse, toutes deux décapitées. Elle sait aussi ce qui est arrivé à une amie qu’elle admire beaucoup, Anne Askew, la première femme anglaise noble à être sauvagement torturée puis brûlée vive à Smithfield, martyr de sa foie protestante. Or Catherine, elle aussi, cache dans ses appartements des écrits interdits de Martin Luther. Et Henry VIII, tout éloigné qu’il est de la papauté et de Rome, ne souffre pas de telles hérésies.

Souvent irrité par  la vivacité d’esprit de sa femme lors de discussions philosophiques (Henry déteste les "femmes savantes!) et ne voyant pas venir une grossesse prometteuse  de la naissance d’un fils (son obsession !) le Roi  pense à se débarasser d’elle. Selon certaines sources  elle a échappé à la mort uniquement parce qu’un fonctionnaire chargé de délivrer l’ordre pour son arrestation a maladroitement laissé choir le document qu’un serviteur fidèle de Catherine  a vite ramassé et détruit. Selon d’autres sources elle’aurait amadoué son mari en affirmant qu’elle n’est qu’une pauvre femelle stupide et lui un génie.En tout cas, tous sont d’accord de dire que c’est probablement sa qualité de bonne infirmière qui lui a , in extrémis,sauvé la vie.... Quelle que soit la version exacte, le 28 janvier 1547 Henry VIII meurt et Catherine Parr est enfin libre! Libre d’épouser son amoureux, Thomas Seymour.

Ce qui suit est vraiment triste. Catherine nage dans le bonheur et attend un enfant. Elle a une maisonnée pleine de jeunes : la Princesse Elizabeth âgée de 14 ans et Lady Jane Grey âgée de  9 ans, toutes deux placées sous sa responsabilité.  Puis c’est l’horreur : Catherine découvre que son mari la trompe avec la très jeune Elizabeth. Très choquée elle renvoie la princesse. Elles ne se reverront jamais. Catherine Parr mourra en couches, refusant jusqu’à son dernier soupir d' adresser la parole à Thomas Seymour.

Quant au jeune roi Edward VI, héritier de Henry VIII, il fera peu après décapiter son oncle trop ambitieux,  Thomas Seymour, Lord Amiral de la Flotte anglaise. On ne sait pas  ce qui est advenu de Mary Seymour, la fille de Catherine et de Thomas Seymour. Elle est probablement morte dans sa petite enfance.

Je vous propose de voir ou de revoir le film « Young Bess » (La reine vierge) de George Sidney (1953), avec Deborah Kerr jouant Catherine Parr , Jean Simmons jouant Elizabeth , Stewart Granger dans le rôle de Sir Thomas Seymour et Charles Laughton (comme d'habitude) dans le rôle de Henry VIII. Je vous recommande aussi de lire « The Sixth Wife » de la romancière anglaise Jean PLaidy(Three Rivers Press, New York, 1996) et la magnifique multibiograpie de Lady Antonia Fraser, « The Six  Wives of Henry VIII ».(Mandarin Paperback, 1993). Les deux auteurs vous proposent une très riche bibliographie!

Elisheva Guggenheim-Mohosh


Si vous êtes intéressés par des articles historiques d'une thématique plus récente (notamment 6 articles consacrés à la Guerre de Corée, 5 articles à la Guerre du Vietnam, 4 articles consacrés à la Guerre du Pacifique)  si vous vous- intéressez aux films de guerre américains, ou l'histoire de Hollywood, je vous propose de visiter mon autre blog:

Les billets d'Elisheva Guggenheim, elishevaguggenheim.blogspot.com

vendredi 22 mars 2013

Katherine Howard, une adolescente écervelée et tragique.



 
Entre 1536 et 1542 Henry VIII réussit un vrai tour de force : il enterre quatre épouses et en divorce une.  Et il se lamente sur son sort. Sa première épouse, Katharine d’Aragon, qui l’a aimé et qui l’a fidèlement secondé durant 23 ans est morte seule en janvier 1536, reléguée dans un château obscur, son mariage annulé, sa fille Mary déclarée bâtarde : lorsque son mari est tombé amoureux d’Anne Boleyn, Henry a « soudain » découvert que leur mariage n’en a pas été un… (voir nos articles du 9 , 12 et 14 mars 2013).

 Anne Boleyn l’a trahi : elle ne lui a pas donné l’héritier mâle légitime dont l’absence est devenue  l'obsession numéro un  d'Henry VIII... En 1536 il la fait accuser d’adultère et d’inceste et la fait exécuter sans pitié, ensemble avec son frère et plusieurs gentilshommes de sa Cour.La grande passion amoureuse disparaît sans laisser de trace. Tandis que le corps décapité d’Anne Boleyn gît toute une journée à côté du billot, Henry VIII s’en va chasser sur les terres des frères Seymour, dont la jeune sœur, Jane, sera sa troisième épouse.

 Et voilà, enfin, le fils légitime, Edward (futur roi Edward VI), né le 12 octobre 1537.... Orphelin au bout de quelques jours. Sa mère, Jane Seymour, meurt de la fièvre puerpérale et, entre ainsi dans le panthéon des épouses fidèles et adorées…

 La quatrième épouse, Anne de Clèves, a une chance inouïe. Elle ne plaît pas au roi qui refuse de consommer le mariage. Ils divorcent à l’amiable, et s’appelleront, désormais : « Mon cher frère » et  « Ma chère sœur ». L’idylle…

 Katherine Howard, cousine germaine d’Anne Boleyn, très jeune dame d'honneur d'Anne de Clèves, sera la cinquième épouse .Tous les témoignages des historiens concordent : Henry, grossi, bouffi, caricature du beau jeune homme sportif du début de son règne, homme malade et solitaire , aime vraiment cette jeune fille  de trente ans sa cadette (la date de naissance de Katherine Howard est incertaine : elle se situe entre 1518 et 1522). Il l’a croit pure. Il l’appelle « La rose sans épine » («  Rose Without a Thorn » )…Henry, meurtrier  impitoyable si on s’oppose à son désir, est, au fond, un grand romantique. Il cherche toujours la belle jeune épouse innocente, ou bien l’amour courtois   des troubadours  ( qu'il est, dans une certaine mesure : il est auteur-compositeur de très belles chansons de la Renaissances anglaise !)…Sa déception et sa colère seront à la mesure de ses illusions…

Lorsqu'il épouse en été1540 cette aristocrate  issue d’une branche pauvre de la grande famille des Howard, (le grand clan catholique, opposé au clan protestant des Seymour) la jeune Katherine est très loin d’être innocente. Elevée à la  « Cour » très libérale, permissive et, souvent pervertie de sa  grand-mère, la duchesse douairière de Norfolk, elle a des relations amoureuses dès son plus jeune âge, avec son professeur de musique, Henry Mannox, qui témoignera contre elle lors de son procès, et plus tard avec Francis Dereham (ou Derham) qui va se considérer comme le fiancé, en fait presque l’époux de Katherine. La promesse de mariage faite avant d’entreprendre des relations sexuelles compte, aux yeux de l’Eglise, comme une promesse pratiquement équivalant à un mariage. (« To be precontracted » en anglais.) Ce fait aura son importance plus tard, lorsque Katherine sera accusée d’adultère !

 Katherine est très loin d’être cultivée  ou, du moins, cultivée comme l’étaient  les deux premières épouses d'Henry VIII, Katharine d’Aragon et Anne Boleyn.( Ou, comme le sera la fille d'Anne, la future reine Elizabeth I). Katherine sait – à peu près – écrire, et c’est déjà  rare pour une femme au  16-ème siècle. Ce qui l’intéresse, ce sont les belles robes ,les beaux bijoux, les voyages somptuex, les beaux palais et…l’amour. Son amoureux, durant les 17 mois de mariage à son époux gros, vieux et malade, c’est son lointain cousin, Thomas Culpeper… Et Francis Dereham  n’est pas loin: il sera son secrétaire particulier.

Vers la fin 1541 l’affaire est découverte. Henry, choqué, refuse d’abord d' y croire, mais  l’Archevêque de Canterbury, Thomas Cranmer mène une enquête sérieuse sur la base des dénonciations des anciens serviteurs de la Duchesse de Norfolk. Mannox moucharde, Dereham et Culpeper avouent sous la torture, Katherine nie en bloc toute infidélité à Henry. Une légende tenace la décrit, à moitié folle de peur, courant et hurlant « Henry ! Henry ! » dans le couloir menant vers la chapelle où son mari écoute la messe. Elle espère encore qu'elle pourra  l’amadouer avec ses larmes. Les gardes du palais la ramènent dans sa chambre Elle est dans un tel état de confusion et de déespoir qu'on craint qu'elle ne se suicide. Elle sera déchue de son titre de Reine d’Angleterre fin novembre 1541. Culpeper sera décapité, Dereham écartelé en décembre1541.En février 1542 Katherine Howard sera condamnée à mort pour adultère et trahison. Et c’est cette condamnation pour trahison qui va sceller son sort.

On a prétendu que c’est son système de défense qui était défaillant : elle n’aurait pas dû nier ses relations avec Francis Dereham, mais au contraire, soutenir ensemble avec ce dernier que leurs veux échangés avant leurs rapports sexuels pouvaient être reconnus comme une forme de mariage. (« precontract ») Donc  pas de mariage valable avec le Roi: donc pas d’adultère.

 Mais ça n’aurait probablement servi à rien. Pour les juges la trahison consistait dans le fait qu’elle n’a pas révélé à Henry VIII sa vie sexuelle avant le mariage, qu’elle l’a induit en erreur. Et la trahison était un crime qui méritait la mort. Katherine Howard sera décapitée le 13 février 1542, à l’âge de 18 ans selon certains auteurs, 20 ou 22 ans selon d’autres. Pour s’être conduite comme une adolescente libérée du 21-ème siècle en plein 16-ème siècle anglais ?  Pour avoir trahi un vieux romantique sanguinaire qui ne se regardait plus dans son miroir ? Pour s’être conduite comme une « petite écervelée »  naïve et spontanée dans cette Cour cultivée et dangereuse qu’était la Cour de Henry VIII ?

 En tout cas, la prochaine (et dernière) épouse de Henry VIII sera une sage et douce dame, deux fois veuve et excellente infirmière : Catherine Parr.


Je vous recommande la lecture de  trois livres : deux livres d’historiennes et un livre de romancière.
" The Six Wives of Henry VIII ", l’ouvrage devenu classique de Dame Antonia Fraser,
Mandarine Paperbacks, Londres 1992. Même titre d’ Alison Weir, paru en 1993. Et ma référence habituelle dans ce blog :la romancière anglaise décédée en 1993, Jean Plaidy, (connue également comme Victoria Holt) : « The Rose Without a Thorn »,  paru en paperback chez Three Rivers Press à New York, après la mort de l’auteur.


Elisheva Guggenheim-Mohosh

jeudi 14 mars 2013

Katharine d'Aragon, princesse humiliée. Troisième partie: la déchéance.



 
« When in disgrace with fortune and men’s eyes
I all alone beweep my outcast state…”
Shakespeare, Sonnet XXIX.

 
Que Henry VIII trompe et humilie Katharine, c’est déjà l’évidence après dix années de mariage: ne doit-elle pas assister au baptême de Henry Fitzroy, le fils illégitime que lui a donné sa maîtresse Betsy Blount en 1519 ? Henry ne pleurniche -t-il pas tous les jours que Dieu ne lui a pas accordé d’héritier mâle légitime, alors que deux des six grossesses de sa femme ont abouti à la naissance de garçons vivants ? Etait-ce la faute de Katharine que la mortalité des bébés  au 16-ème siècle soit si élevée et que les deux garçons soient morts peu après leur naissance ?

 Henry devient, avec l’âge de plus en plus hypocrite. Si sa conscience le torture, il dévie la faute sur quelqu’un d’autre. Il invente une théorie qui l’arrange bien : si Dieu est fâché avec lui (et avec Katharine) c’est qu’ils on vécu durant tout leur mariage dans le pêché. Leur mariage n’en était pas un : il a épousé  la veuve de son frère, chose interdite par la Bible. Ce sentiment pieux, faisant fi de son parfait consentement lors  de son mariage avec Katharine en avril 1509, de son amour et son enthousiasme, et, très probablement, du fait que le mariage de Katharine avec son frère n’a jamais été consommé, (voir notre article du 9 mars 2013) donc que Katharine n’était pas la femme d’Arthur Tudor dans le sens biblique du terme, et il, Henry, devait le savoir plus que quiconque…Tout cela, il relègue dans les profondeurs de sa conscience. La vérité est – pour l’homme qu’il est devenu avec l’âge – ce qui arrange le Roi. Le Roi et son obssession : ce « secret » qu’on appellera « The King’s Secret Matter », à savoir la détermination d’Henry de se débarasser de sa femme fidèle et aimante, pour épouser la femme dont il est épris et qui se refuse à lui (« Your wife I cannot be, your mistress I shall not be ») tant qu’il ne l’épouse pas : Anne Boleyn.

 
Dès juin 1527 l’intention d’Henry de se séparer d’elle est connue par Katharine. Elle, qui a toujours souffert en silence, le sourire aux lèvres à chaque apparition publique, devient une tigresse. Elle défend désormais non seulement son honneur, sa dignité de Reine, d’Infante d’Espagne, de tante de l’Empereur Charles Quint. Elle défend le statut de sa fille, héritière du trône d’Angleterre. Sa fille, que Henry VIII (fortement sous l’influence d’Anne Boleyn, dont l’impudence ne connaît plus de limites) éloigne de sa mère et que Katharine ne reverra que très peu jusqu’à sa mort. Cette séparation et l’humiliation de voir disputailler « sa virginité » au moment de l’union avec Henry, le fait qu’on en fait une affaire internationale (entre l’Angleterre, d’abord du Cardinal Wolsey, puis du Cardinal Cranmer d’une part, de l’Espagne de Charles Quint  et le Saint Siège de l’autre part…)rendent Katharine malade. Mais malgré sa faiblesse physique, elle ne cède pas d’un iota. Elle  ne veut pas d’un tribunal anglais. En 1529, après une plaidoirie passionnée, prononcée à genoux devant son mari, elle quitte fièrement la salle du tribunal. Elle veut que son affaire soit jugée à Rome. Henry VIII et Anne Boleyn ne cachent plus du tout leur affaire devant le peuple. Et le peuple déteste de plus en plus Anne et crie sur son passage « No Nan Bullen !!! » pour lui signifier qu’elle n’est qu’une parvenue, une usurpatrice, qui « fait  tant de mal à notre  Bonne Reine  Katharine »..,

 
Les relations entre Henry VIII et Katharine d’Aragon se dégradent à un tel point qu'en juillet 1531 le roi quitte le Château de Windsor sans prendre congé de sa femme. Ils ne se reverront plus.

 
Katharine est reléguée d’un château obscur à un autre. Henry rompt avec Rome et devient le chef de l’Eglise de l’Angleterre et tous ceux qui ne reconnaissent pas son nouveau statut (dont le Cardinal John Fisher et le Chancelier Thomas More) y perdront leur vie. Comme Katharine, catholique romaine convaincue, ne reconnaît certainement pas cette rupture avec Rome, elle se séparera de plus en plus de ceux qui osent reconnaître la Suprématie de l’Eglise d’Angleterre. Elle restera de plus en plus seule. Elle devra restituer à Henry ses bijoux.  Son mariage sera annulé par une Cour anglaise le 23 mai 1533 et, désormais, Katharine ne sera plus Reine d’Angleterre, mais simplement Princesse Douairière de Galles, veuve d’Arthur Tudor. Katharine (tout comme la papauté) ne reconnaîtra jamais cette annulation et exigera qu’on l’appelle Reine d’Angleterre.

 
Le 25 janvier 1533 Henry épouse en secret sa maîtresse. Katharine n’en  sera informée qu’en avril 1533. Lorsque la fille d’Anne Boleyn naît, le 7 septembre 1533 (ce n’est autre que la future reine Elizabeth I) la princesse Mary, fille de Katharine d’Aragon sera assignée comme dame d’honneur au bébé…Anne sera couronnée Reine d’Angleterre en juin 1533. « Anne des Milles Jours »…Le 7 janvier 1536 Katharine d’Aragon mourra seule, sans la présence de sa fille unique Mary, dans les bras de Maria de Salinas, Lady Willoughby, qui l’a accompagnée d’Espagne 34  années auparavant. Henry et Anne montreront leur joie, avec  un parfait mauvais goût, en paraissant habillés en jaune lors d’un bal de la Cour.

Au « Beau Mois de Mai » de la même année Anne Boleyn, accusée d’inceste et d’adultère, sera décapitée à la Tour de Londres. Sic transit gloria mundi.

 Fin de la série de 3 articles.

 
Elisheva Guggenheim -Mohos 

mardi 12 mars 2013

Katharine d'Aragon, princesse humiliée. Deuxième partie: souffrir la tête haute.



Petruchio : « Why, there’s a wench ! come on, and kiss me Kate….Come Kate, we’ll to bed.”
(Shakespeare, La mégère  apprivoisée, Acte V)

 Petruchio : « I say it is the moon. »
Katharina : “ I know it is the moon.”
Petruchio:  “Nay, then you lie: it is the blessed sun”
Katharina:  “Then, God be blessed, it is the blessed sun.”
(Shakespeare, La mégère apprivoisée, Acte IV)


 Contrairement à ce que les nombreux films sur Henry VIII et ses six épouses nous montrent, à leur jeunesse ni Henry, ni Katharine d’Aragon n’étaient laids. Katharine (ou Catherine selon certains auteurs), d’origine anglaise, était mignonne, petite, avec des cheveux auburn clairs, très attrayante, éveillée, intelligente et superbement cultivée. Henry, de six ans son cadet, ne l’a trouvée nullement repoussante et fréquentait son lit assidûment. C’était, comme on l’a vu ,(notre article du 9 mars 2013) un mariage d’amour. Surprenant, inattendu, mais romantique à souhait.

Quant à Henry VIII, dans sa jeunesse il ne ressemblait vraiment pas à Charles Laughton (qui a joué le rôle maintes fois). Ce n’était pas Henry-le-bouffi ,  (Bluff King Hal) comme on l’a appelé plus tard, mais un géant blond-rouquin,  la barbe dorée, les yeux bleus, très sportif, adorant la danse, la musique , compositeur reconnu de plusieurs belles chansons de la Renaissance anglaise, cultivé et intelligent, et profondement religieux, tout comme sa jeune femme .Bref, c’était un jeune couple qui pouvait très bien s’entendre. La différence d’âge ne se fera sentir que  plus tard, lorsque Katharine, ayant passé la trentaine et épuisée par six grossesses, va grossir (catastrophique pour une femme de petite taille). Grossir, et souffrir et être humiliée, sans jamais dire un mot. Farouchement fidèle et loyale à Henry, souvent sa meilleure conseillère même en matière politique, elle tiendra toujours son rang, comme il sied à une princesse fille des plus grands souverains de la Chrétienté, Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon….

Pourtant tout commence bien : peu après le mariage en novembre 1509 Katharine tombe enceinte, mais elle accouche d’une fille mort-née. Puis vient l’héritier, Henry, qui ne vivra  que 52 jours…Puis en 1513, alors qu’elle est régente du royaume et qu’elle encourage les troupes anglaises à dos de cheval, lors de la guerre contre les écossais, guerre dont les Anglais sortent vainqueurs,elle fait une fausse couche. Puis, en 1515, elle accouche à nouveau d’un fils, un bébé qui mourra peu après. En février 1516 naît une fille, Mary, qui vivra : ce sera Mary Tudor (Bloody Mary, Marie la Sanglante), future reine d’Angleterre…Henry est très content de sa fille. Mais il veut un fils et reproche amèrement à sa femme de ne pas lui en donne un héritier mâle. (comme si c’était la faute de Katharine que ses deux fils soient morts !)

Cette obsession d’Henry, qui deviendra, plus tard une folie meurtrière, s’atténue en 1519 , mais d’une manière très tragique pour sa femme. Alors que Katharine d’Aragon accouche d’une fille mort-née en novembre 1518, elle doit assister au baptême DU FILS DE SON MARI. Un fils bien vivant, bien portant, et très aimé par Henry VIII. Un fils que lui donne sa maîtresse, Betsy Blount, en juin 1519, et auquel Henry VIII donne immédiatement un nom bien évocateur, bien significatif : Henry Fitzroy ! (Henry, fils-de-roi !!!) .

 Donc, comme on l’a souvent remarqué, malgré le pleurnichage, ( devenu permanent et obsessionnel)d' Henry VIII, selon lequel Dieu l’a maudit on le privant d’héritiers, il a eu de nombreux enfants, dont au  moins quatre garçons nés à terme (si on compte les deux fils de Katharine d’Aragon, Henry Fitzroy et le futur Edward VI, fils de Jane Seymour) et trois de ses héritiers lui succèderont sur le trône d’Angleterre.

N’empêche : Henry et Katharine se sont éloignés. Henry regarde ailleurs. En plus de Betsy Blount,  Mary Boleyn sera sa maîtresse.  (voir notre article du 24 septembre 2012) Katharine a beau l’aimer, le seconder, souffrir en silence ses infidélités, rien ne la sauvera de l’humiliation suprême, celle qui suivra l’apparition  d’une jeune dame d’honneur revenue de  France, une ambitieuse au destin  tragique : Anne Boleyn.

Fin de la deuxième partie.

Je vous recommande la lecture du livre d’Antonia Fraser, « The Six Wives of Henry VIII » un best-seller paru en 1992 chez Weidenfeld and Nicolson à Londres, un des meilleurs ouvrages consacrés à ce sujet. Egalement « Katharine of Aragon : the Story of a Spanish Princess and an English Queen » par Jean Plaidy, trois romans réunis en un volume, parus chez Three Rivers Press aux Etats-Unis, en paperback. (éditions originales chez Robert Hale à Londres,au début des années ’60).


Elisheva Guggenheim-Mohosh

samedi 9 mars 2013

Katharine d'Aragon, princesse humiliée. Première partie: de Grenade à Londres.

« I must and will have Katharine to my wife » (Shakespeare, La mégère apprivoisée Acte II)

 “And, kiss me Kate, we will be married o’  Sunday.” (Shakespeare, La mégère apprivoisée,
Acte II)

Peu d’épouses dans l’histoire des royautés européennes ont été aussi humiliées que Catalina, fille de leurs Majestés Catholiques, Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon. Son divorce d’avec Henry VIII, roi d’Angleterre a bouleversé le cours de l’Histoire, a causé la perte d’hommes  célèbres (dont le savant humaniste anglais - et martyre catholique - Sir Thomas More, auteur  de l’ouvrage philosophique « Utopia » et le Cardinal John Fisher décapité  en même temps que Thomas More) et a marqué le début des manifestations d’une folie et d’une cruauté jusque là peu perceptibles chez un jeune monarque très aimé : Henry VIII  d’Angleterre.

Catalina, plus tard connue comme Katharine d’Aragon, est née près de Tolède en 1485.Dès l’âge de trois ans elle est fiancée à Arthur, Prince de Galles, fils aîné du roi Henry VII Tudor d’Angleterre. Mais ces fiançailles, (comme beaucoup de fiançailles entre très jeunes enfants de rois) sont assez incertaines. Incertaines, tout comme le statut de « Rois légitimes d’Angleterre » de la toute nouvelle dynastie Tudor, qui ne règne que depuis la victoire de Henry Tudor, Comte de Richmond (devenu Henry VII) à la bataille de Bosworth Field, en 1485… Mais  cette dynastie, un peu « parvenue » se consolide peu à peu, et finalement Isabelle  de Castille et Ferdinand d’Aragon laissent partir leur fille âgée de 16 ans vers son frêle fiancé, Arthur, âgé de 15 ans au mois d’ août 1501.

Katharine est la fille cadette d’une femme  qui a une très forte personnalité. Une mère qui exige que sa fille ait une éducation exemplaire. Qu’elle connaisse aussi bien les auteurs anciens, le grec et le latin, que l’art du tissage, de la broderie et de la cuisine. Qu’elle sache commander et qu’elle sache obéir. Qu’elle sache dès son plus jeune âge d’où elle vient, que ses parents sont les plus grands souverains d’un monde qui ne cesse de s’élargir, que dans ses veines coule aussi du sang anglais (elle est d’ascendance Plantagenêt) et qu’elle est destinée à régner.

Depuis le beau palais de l’Alhambra à Grenade, de belles lettres écrites en latin partent vers le lointain fiancé anglais. Et, finalement, en octobre 1501 c’est la rencontre avec Arthur, le départ vers Richmond et, en novembre, le mariage en la Cathédrale St Paul de Londres.

 Un amour timide naît entre les deux adolescents, mais le mariage n’est, très probablement, jamais consommé .En tout cas Katharine jurera jusqu’à son dernier jour qu’elle est restée vierge durant les quelques mois du mariage au pauvre jeune adolescent maladif, chétif qui meurt le 2 avril 1502, dans le château de Ludlow, dans ce Pays e Galles dont il est le prince… Katharine est veuve à 16 ans.

Quel sera son destin ?

 D’une part, Henry VII, avare notoire, ne veut pas entretenir sa belle-fille. " Que ses parents riches l’entretiennent "- déclare-t-il. D’autre part il veut garder sa dot. Donc il ne veut pas la laisser repartir en Espagne. On la fiance donc au nouveau  Prince de Galles, âgé  de 11 ans. C’est Henry. Le futur Henry VIII. Un beau garçon, qui sait très bien ce qu’il veut. Et il ne veut pas de cette « Katharine », veuve de son frère, malgré la dispense du Pape et malgré  les souhaits de son père. Cette princesse de plus en plus pauvre, cette princesse aux robes rapiécées, qui doit vendre les bijoux qui constituent sa dot, qui doit congédier les gens de sa maison londonienne parce qu’elle ne peut plus les rémunérer. Et cette pauvreté londonienne humiliante, cette pauvreté à la fois loin de Grenade et loin de la Cour de Londres durera 7 ans.

 Et voici que Henry VII meurt en 1509 et le bel Henry VIII (le futur gros monstre, mais qui le savait à l’époque ?) ce jeune roi auquel on destine de belles princesses européennes, montre une fois pour tout qu’il ne fera qu’à sa tête. Il ne voulait pas de Katharine lorsqu’il était enfant ? Maintenant il la veut. Il la veut et il l’épouse. Ils s’aiment. Le plus triste, c’est que c’était un vrai mariage d’amour...


Fin de la première partie.


Elisheva Guggenheim-Mohosh

lundi 24 décembre 2012

Les Tudors: une cascade d'illégitimés. Deuxième partie.


(voir nos articles du 17 et du 23 décembre 2012)

 
Henry VII, le premier roi de la dynastie Tudor, entendait toujours des voix. Des voix qui chuchotaient derrière son dos « fils de bâtard »… «  Ta grand-mère, Catherine de Valois a-t-elle été vraiment mariée à ton grand-père Owen Tudor ? ». Des voix qui chuchotaient : « où sont les véritables héritiers de la couronne d’Angleterre ? » « Où sont disparus les deux jeunes princes enfermés à la Tour de Londres ? » « Où sont Edouard de York et Richard de York, les deux petits frères de ton épouse ? »…(Elizabeth de York, fille d'Edouard IV et nièce de Richard III que Henry Tudor a
éliminé à la bataille de Bosworth Field pour se faire couronner à sa place.)

 Durant son règne, Henry VII Tudor  a rempli les caisses du royaume, si vides après un siècle de guerres. Il a bien gouverné. ...Il a eu deux fils et deux filles vivants. Et pourtant, il avait peur. Peur d’être renversé. Peur d’être contesté par des héritiers qui auraient plus de légitimité dynastique que les Tudors. Peur des « prétendants », assez farfelus, comme Lambert Simbel ou  Perkin Warbeck- surtout de ce dernier,  dont on a dit qu’il n'était autre que le plus jeune des deux fils du roi Edouard IV, le prince Richard de York, mystérieusement disparu à la Tour…(Warbeck a effectivement une certaine ressemblance avec le bel Edouard IV . Donc, cela voudrait dire, que désormais n’importe quel lointain bâtard qui porterait les traits d’Edouard IV pourrait l’évincer du trône ?) Tout le long de son règne Henry VII a craint de perdre sa légitimité.

 Pourtant,selon les historiens modernes( et beaucoup de romanciers modernes) Henry VII avait de très bonnes raisons de savoir que ces « prétendants » ne faisaient que mentir. Déjà Horace Walpole, au 18-ème siècle (Historic Doubts on the Life and Reign of Richard III) met en doute la monstruosité de Richard III telle qu’elle est décrite dans la pièce de Shakespeare et nie sa culpabilité dans l’assassinat des deux petits princes, ses propres  neveux, Edouard (11 ans) et Richard (9 ans)…Aussi bien H.Walpole que Clements Markham, au début du 20-ème siècle désignent plutôt Henry VII comme étant le principal intéressé dans la disparition des deux  jeunes héritiers de la Maison York. Selon ces auteurs Henry VII a ordonné lui-même leur assassinat à la Tour de Londres. Et c’est surtout la culpabilité qui l’a torturé sa vie durant…

 Henry VII marie son fils aîné, Arthur, à Catherine d’Aragon, fille de leurs majestés catholiques Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon(donc une des maisons royales les plus respectables et les plus « légitimes » d’Europe). Mais vu la jeunesse et  la santé délicate d’Arthur il  interdit au jeune couple de consommer le mariage durant les premiers mois…Et voilà qu’Arthur décède et Catherine reste  une très jeune veuve, « aussi intacte que  le jour de sa naissance » ,(comme elle affirmera jusqu’à son dernier  jour). Après une dispense accordée par le pape, Catherine d’Aragon finira par épouser Henry VIII, frère de son défunt mari. Ce sera un mariage d’amour qui finira en tragédie, une tragédie qui bouleversera le cours de l’Histoire européenne. En 1532 Henry VIII, qui cherche à divorcer Catherine depuis six ans, parce qu’elle ne lui a pas donné un héritier mâle, et qu’il est fou d’amour pour Anne Boleyn, fait annuler le mariage avec son épouse fidèle et aimante de 23 ans. Il répudie Catherine, issue d’une noble lignée et très aimée par le peuple, et déclare que sa fille unique Mary est une bâtarde (puisqu’il n’y a pas eu de vrai mariage…selon lui…) et ceci pour épouser une « nobody » ambitieuse,Anne Boleyn, que le peuple déteste et crie sur son passage « NO NAN BULLEN !! » (Nan étant le diminutif de Anne qu’on donne à des domestiques…)

 Anne Boleyn perd sa place et sa tête en 1536 : son mariage est annulé et sa fille unique, Elizabeth est déclarée illégitime…Maintenant, la question se pose : QUI était vraiment illégitime ? Si le mariage entre Catherine et Henry n’en était pas un (comme le prétendait Henry de parfaite mauvaise foi) Mary Tudor était illégitime… Si leur mariage était valide, alors l’union entre Henry VIII et sa maîtresse, Anne Boleyn  ne l’était pas et Elizabeth était bâtarde…

Finalement, avec l’incohérence, la folie (la folie des Valois, ses ancêtres ? ) et l’autoritarisme capricieux qui le caractérisent tant, Henry  déclare(sans donner d’explication…) que  ses deux filles sont héritières légitimes et régneront en cas de décès de leur frère (le fils légitime que Henry a fini d’avoir), Edouard VI. Le parlement anglais confirme cette décision en 1544.

 Donc, les deux princesses humiliées dans leur enfance finiront par régner. Paradoxalement Mary la Catholique (Bloody Mary : Marie la Sanglante) dont la légitimité n’a  jamais  été vraiment contestée par le peuple, sera détestée. Elizabeth, dont la mère a été traitée de tous les noms, dont on a chuchoté qu’elle n’est pas seulement un enfant adultérin mais qu’elle est, peut-être, issue d’une relation incestueuse entre Anne Boleyn et George, son frère, eh bien c’est cette Elizabeth-là, Elizabeth I d’Angleterre qui deviendra, selon les mots du poète Edmund Spenser, « Gloriana », la reine adorée, le plus grand monarque que l’Angleterre n’at jamais connu.

 
Je vous suggère de visionner à nouveau « Anne des milles jours » (Anne of the Thousand Days) de Charles Jarrot, avec, dans le rôle de Henry VIII Richard Burton et dans le rôle d’Anne Boleyn la canadienne (excellente actrice !) Geneviève Bujold. L’actrice anglaise,( actuellement députée au parlement britannique), Glenda Jackson, donne une très bonne interprétation dans la série télévisée anglaise «  Elizabeth R. ». Si vous n’êtes pas allergique aux inexactitudes historiques, vous pouvez revoir « Les Tudors », série télévisée avec Jonathan Rhys-Meyers.

D’autre part je  vous recommande « To Hold the Crown : the Story of Henry  VII and Elizabeth of York » par Jean Plaidy, actuellement publié par Three Rivers Press à New York. De Jean Plaidy également, trois romans publiés dans un seul volume : « Katharine of Aragon, the Story of a Spanish Princess and an English Queen »  chez Three Rivers Press, New York.

 

Elisheva  Guggenheim -Mohosh

dimanche 23 décembre 2012

Les Tudors: une cascade d'illégimités. Première partie.



La dynastie des Tudors qui a fait basculer l’Angleterre de son statut de  petit royaume médiéval vers un statut d’une grande puissance européenne de la Renaissance, a toujours été frappée par ses ennemis du sceau de l’illégitimité.

 Les soupçons remontent très haut dans le Moyen Age, vers le milieu du 14-ème siècle. Une noble Dame, nommée Katherine Swynford  devient la maîtresse du Prince John (John of Gaunt), troisième fils du Roi Edouard III. Ils ont  quatre enfants illégitimes, dont le premier se nomme John Beaufort, Comte de Somerset. Katherine Swynford (celle que l’historienne Alison Weir nomme « La Duchesse Scandaleuse ») est la mère d’à peu près  toutes les dynasties royales anglaises. Tout le monde descend d’elle en ligne directe, y compris la reine actuelle, Elizabeth II, ainsi que son fils et son petit-fils, les princes Charles et William, futurs rois d’Angleterre.

 Après des décennies d’amour interdit, Katherine Swynford devient, en 1393 la troisième épouse de John of Gaunt, Duc de Lancaster, ancêtre de la Maison Lancastrienne. Les quatre enfants, déjà adultes,( dont John Beaufort, l’aîné), sont légitimés par une Bulle papale. N’empêche : leurs descendants, qui ne sont que la branche cadette de la Maison Royale de Lancaster, porteront toujours le stigmate de cette légitimation tardive.

 Or la mère du roi Henry VII, le premier roi de la dynastie des Tudor, n’est autre que Margaret Beaufort, petite-fille de John Beaufort, le fils aîné de Katherine Swynford et John of Gaunt. Elle est donc tout à fait d’ascendance royale « Plantagenêt » ,( arrière-arrière petite-fille du roi Edouard III d’Angleterre.) Mais elle est aussi le veuve d’Edmund Tudor,  fils d’Owen Tudor et de Catherine de Valois…Et là tout devient à nouveau problématique.

 
Catherine de Valois, fille du roi fou Charles VI de France est restée veuve après un très court mariage avec Henry V, roi d’Angleterre. Solitaire, mère d’un bébé qui deviendra le roi fou (malédiction des Valois !) Henry VI d’Angleterre, la jeune veuve tombe amoureuse de son écuyer gallois, Owen Tudor. Grande discussion historique :   un mariage secret existait-il entre ces deux amants ? Leurs enfant étaient-ils légitimes ? Les ennemis de la dynastie Tudor ont toujours nié l’existence de ce « mariage secret »…Donc, Henry Tudor, Comte de Richmond, qui a vaincu Richard III  à la bataille de Bosworth Field, en 1485 et qui a pris la couronne d’Angleterre sous le nom de Henry VII a beau être très clairement d’ascendance royale par sa mère (Margaret Beaufort) et par sa grand-mère (Catherine de Valois). La question reste posée : son père, Edmund Tudor était-il un bâtard ?

 La Bataille de Bosworth Field est la dernière bataille de la très longue Guerre des Roses, entre les deux maisons royales ennemies, la Maison de York  et la Maison de Lancaster. Pour asseoir sa légitimité Henry VII Tudor épouse Elizabeth de York (fille du Roi Edouard IV et nièce du Roi Richard III). En unissant la Rose Rouge des Lancaster à la Rose Blanche de la Maison de York, il espère mettre fin à toute discussion autour de la légitimité de la nouvelle dynastie royale. Réussira-t-il ? Rien n’est moins sûr. C’est ce que nous verrons dans notre prochain article : Les Tudors, une cascade d’illégitimités .Deuxième partie.

 

Elisheva Guggenheim-Mohosh