(voir nos articles du 17 et du 23 décembre 2012)
Henry VII, le premier roi de la dynastie Tudor, entendait
toujours des voix. Des voix qui chuchotaient derrière son dos « fils de
bâtard »… « Ta grand-mère, Catherine de Valois a-t-elle été
vraiment mariée à ton grand-père Owen Tudor ? ». Des voix qui
chuchotaient : « où sont les véritables héritiers de la couronne
d’Angleterre ? » « Où sont disparus les deux jeunes princes
enfermés à la Tour de Londres ? » « Où sont Edouard de York
et Richard de York, les deux petits frères de ton épouse ? »…(Elizabeth de York, fille d'Edouard IV et nièce de Richard III que Henry Tudor a
éliminé à la bataille de Bosworth Field pour se faire couronner à sa place.)
Durant son règne, Henry VII Tudor a rempli les caisses du royaume, si
vides après un siècle de guerres. Il a bien gouverné. ...Il a eu deux fils et
deux filles vivants. Et pourtant, il avait peur. Peur d’être renversé. Peur
d’être contesté par des héritiers qui auraient plus de légitimité dynastique
que les Tudors. Peur des « prétendants », assez farfelus, comme
Lambert Simbel ou Perkin Warbeck- surtout
de ce dernier, dont on a dit qu’il n'était
autre que le plus jeune des deux fils du roi Edouard IV, le prince Richard de
York, mystérieusement disparu à la Tour…(Warbeck a effectivement une certaine
ressemblance avec le bel Edouard IV . Donc, cela voudrait dire, que désormais
n’importe quel lointain bâtard qui porterait les traits d’Edouard IV pourrait
l’évincer du trône ?) Tout le long de son règne Henry VII a craint de perdre
sa légitimité.
Pourtant,selon les
historiens modernes( et beaucoup de romanciers modernes) Henry VII avait de
très bonnes raisons de savoir que ces « prétendants » ne faisaient
que mentir. Déjà Horace Walpole, au 18-ème siècle (Historic Doubts on the Life
and Reign of Richard III) met en doute la monstruosité de Richard III telle
qu’elle est décrite dans la pièce de Shakespeare et nie sa culpabilité dans
l’assassinat des deux petits princes, ses propres neveux, Edouard (11 ans) et Richard (9 ans)…Aussi
bien H.Walpole que Clements Markham, au début du 20-ème siècle désignent plutôt Henry VII
comme étant le principal intéressé dans la disparition des deux jeunes héritiers de la Maison York. Selon ces
auteurs Henry VII a ordonné lui-même leur assassinat à la Tour de Londres. Et
c’est surtout la culpabilité qui l’a torturé sa vie durant…
Henry VII marie son fils aîné, Arthur, à Catherine d’Aragon,
fille de leurs majestés catholiques Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon(donc
une des maisons royales les plus respectables et les plus
« légitimes » d’Europe). Mais vu la jeunesse et la santé délicate d’Arthur il interdit au
jeune couple de consommer le mariage durant les premiers mois…Et voilà
qu’Arthur décède et Catherine reste une très jeune veuve, « aussi
intacte que le jour de sa
naissance » ,(comme elle affirmera jusqu’à son dernier jour). Après une dispense accordée par le
pape, Catherine d’Aragon finira par épouser Henry VIII, frère de son défunt
mari. Ce sera un mariage d’amour qui finira en tragédie, une tragédie qui
bouleversera le cours de l’Histoire européenne. En 1532 Henry VIII, qui cherche à
divorcer Catherine depuis six ans, parce qu’elle ne lui a pas donné un héritier
mâle, et qu’il est fou d’amour pour Anne Boleyn, fait annuler le mariage avec
son épouse fidèle et aimante de 23 ans. Il répudie Catherine, issue d’une
noble lignée et très aimée par le peuple, et déclare que sa fille unique Mary
est une bâtarde (puisqu’il n’y a pas eu de vrai mariage…selon lui…) et ceci pour
épouser une « nobody » ambitieuse,Anne Boleyn, que le peuple déteste et crie sur
son passage « NO NAN BULLEN !! » (Nan étant le diminutif de Anne
qu’on donne à des domestiques…)
Anne Boleyn perd sa place et sa tête en 1536 : son mariage est
annulé et sa fille unique, Elizabeth est déclarée illégitime…Maintenant, la
question se pose : QUI était vraiment illégitime ? Si le mariage entre
Catherine et Henry n’en était pas un (comme le prétendait Henry de parfaite
mauvaise foi) Mary Tudor était illégitime… Si leur mariage était valide, alors
l’union entre Henry VIII et sa maîtresse, Anne Boleyn ne l’était pas et Elizabeth était bâtarde…
Finalement, avec l’incohérence, la folie (la folie des Valois, ses
ancêtres ? ) et l’autoritarisme capricieux qui le caractérisent tant,
Henry déclare(sans donner
d’explication…) que ses deux filles sont
héritières légitimes et régneront en cas de décès de leur frère (le fils
légitime que Henry a fini d’avoir), Edouard VI. Le parlement anglais confirme
cette décision en 1544.
Donc, les deux princesses humiliées dans leur enfance
finiront par régner. Paradoxalement Mary la Catholique (Bloody Mary :
Marie la Sanglante) dont la légitimité n’a jamais été vraiment contestée par le peuple, sera détestée. Elizabeth,
dont la mère a été traitée de tous les noms, dont on a chuchoté qu’elle n’est
pas seulement un enfant adultérin mais qu’elle est, peut-être, issue d’une
relation incestueuse entre Anne Boleyn et George, son frère, eh bien c’est cette
Elizabeth-là, Elizabeth I d’Angleterre qui deviendra, selon les mots du poète
Edmund Spenser, « Gloriana », la reine adorée, le plus grand monarque
que l’Angleterre n’at jamais connu.
Je vous suggère de visionner à nouveau « Anne des
milles jours » (Anne of the Thousand Days) de Charles Jarrot, avec, dans
le rôle de Henry VIII Richard Burton et dans le rôle d’Anne Boleyn la
canadienne (excellente actrice !) Geneviève Bujold. L’actrice anglaise,(
actuellement députée au parlement britannique), Glenda Jackson, donne une très
bonne interprétation dans la série télévisée anglaise « Elizabeth
R. ». Si vous n’êtes pas allergique aux inexactitudes historiques, vous
pouvez revoir « Les Tudors », série télévisée avec Jonathan
Rhys-Meyers.
D’autre part
je vous recommande « To Hold the
Crown : the Story of Henry VII and
Elizabeth of York » par Jean Plaidy, actuellement publié par Three Rivers
Press à New York. De Jean Plaidy également, trois romans
publiés dans un seul volume : « Katharine of Aragon, the Story
of a Spanish Princess and an English Queen » chez Three Rivers Press, New York.
Elisheva Guggenheim -Mohosh
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire