lundi 24 décembre 2012

Les Tudors: une cascade d'illégitimés. Deuxième partie.


(voir nos articles du 17 et du 23 décembre 2012)

 
Henry VII, le premier roi de la dynastie Tudor, entendait toujours des voix. Des voix qui chuchotaient derrière son dos « fils de bâtard »… «  Ta grand-mère, Catherine de Valois a-t-elle été vraiment mariée à ton grand-père Owen Tudor ? ». Des voix qui chuchotaient : « où sont les véritables héritiers de la couronne d’Angleterre ? » « Où sont disparus les deux jeunes princes enfermés à la Tour de Londres ? » « Où sont Edouard de York et Richard de York, les deux petits frères de ton épouse ? »…(Elizabeth de York, fille d'Edouard IV et nièce de Richard III que Henry Tudor a
éliminé à la bataille de Bosworth Field pour se faire couronner à sa place.)

 Durant son règne, Henry VII Tudor  a rempli les caisses du royaume, si vides après un siècle de guerres. Il a bien gouverné. ...Il a eu deux fils et deux filles vivants. Et pourtant, il avait peur. Peur d’être renversé. Peur d’être contesté par des héritiers qui auraient plus de légitimité dynastique que les Tudors. Peur des « prétendants », assez farfelus, comme Lambert Simbel ou  Perkin Warbeck- surtout de ce dernier,  dont on a dit qu’il n'était autre que le plus jeune des deux fils du roi Edouard IV, le prince Richard de York, mystérieusement disparu à la Tour…(Warbeck a effectivement une certaine ressemblance avec le bel Edouard IV . Donc, cela voudrait dire, que désormais n’importe quel lointain bâtard qui porterait les traits d’Edouard IV pourrait l’évincer du trône ?) Tout le long de son règne Henry VII a craint de perdre sa légitimité.

 Pourtant,selon les historiens modernes( et beaucoup de romanciers modernes) Henry VII avait de très bonnes raisons de savoir que ces « prétendants » ne faisaient que mentir. Déjà Horace Walpole, au 18-ème siècle (Historic Doubts on the Life and Reign of Richard III) met en doute la monstruosité de Richard III telle qu’elle est décrite dans la pièce de Shakespeare et nie sa culpabilité dans l’assassinat des deux petits princes, ses propres  neveux, Edouard (11 ans) et Richard (9 ans)…Aussi bien H.Walpole que Clements Markham, au début du 20-ème siècle désignent plutôt Henry VII comme étant le principal intéressé dans la disparition des deux  jeunes héritiers de la Maison York. Selon ces auteurs Henry VII a ordonné lui-même leur assassinat à la Tour de Londres. Et c’est surtout la culpabilité qui l’a torturé sa vie durant…

 Henry VII marie son fils aîné, Arthur, à Catherine d’Aragon, fille de leurs majestés catholiques Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon(donc une des maisons royales les plus respectables et les plus « légitimes » d’Europe). Mais vu la jeunesse et  la santé délicate d’Arthur il  interdit au jeune couple de consommer le mariage durant les premiers mois…Et voilà qu’Arthur décède et Catherine reste  une très jeune veuve, « aussi intacte que  le jour de sa naissance » ,(comme elle affirmera jusqu’à son dernier  jour). Après une dispense accordée par le pape, Catherine d’Aragon finira par épouser Henry VIII, frère de son défunt mari. Ce sera un mariage d’amour qui finira en tragédie, une tragédie qui bouleversera le cours de l’Histoire européenne. En 1532 Henry VIII, qui cherche à divorcer Catherine depuis six ans, parce qu’elle ne lui a pas donné un héritier mâle, et qu’il est fou d’amour pour Anne Boleyn, fait annuler le mariage avec son épouse fidèle et aimante de 23 ans. Il répudie Catherine, issue d’une noble lignée et très aimée par le peuple, et déclare que sa fille unique Mary est une bâtarde (puisqu’il n’y a pas eu de vrai mariage…selon lui…) et ceci pour épouser une « nobody » ambitieuse,Anne Boleyn, que le peuple déteste et crie sur son passage « NO NAN BULLEN !! » (Nan étant le diminutif de Anne qu’on donne à des domestiques…)

 Anne Boleyn perd sa place et sa tête en 1536 : son mariage est annulé et sa fille unique, Elizabeth est déclarée illégitime…Maintenant, la question se pose : QUI était vraiment illégitime ? Si le mariage entre Catherine et Henry n’en était pas un (comme le prétendait Henry de parfaite mauvaise foi) Mary Tudor était illégitime… Si leur mariage était valide, alors l’union entre Henry VIII et sa maîtresse, Anne Boleyn  ne l’était pas et Elizabeth était bâtarde…

Finalement, avec l’incohérence, la folie (la folie des Valois, ses ancêtres ? ) et l’autoritarisme capricieux qui le caractérisent tant, Henry  déclare(sans donner d’explication…) que  ses deux filles sont héritières légitimes et régneront en cas de décès de leur frère (le fils légitime que Henry a fini d’avoir), Edouard VI. Le parlement anglais confirme cette décision en 1544.

 Donc, les deux princesses humiliées dans leur enfance finiront par régner. Paradoxalement Mary la Catholique (Bloody Mary : Marie la Sanglante) dont la légitimité n’a  jamais  été vraiment contestée par le peuple, sera détestée. Elizabeth, dont la mère a été traitée de tous les noms, dont on a chuchoté qu’elle n’est pas seulement un enfant adultérin mais qu’elle est, peut-être, issue d’une relation incestueuse entre Anne Boleyn et George, son frère, eh bien c’est cette Elizabeth-là, Elizabeth I d’Angleterre qui deviendra, selon les mots du poète Edmund Spenser, « Gloriana », la reine adorée, le plus grand monarque que l’Angleterre n’at jamais connu.

 
Je vous suggère de visionner à nouveau « Anne des milles jours » (Anne of the Thousand Days) de Charles Jarrot, avec, dans le rôle de Henry VIII Richard Burton et dans le rôle d’Anne Boleyn la canadienne (excellente actrice !) Geneviève Bujold. L’actrice anglaise,( actuellement députée au parlement britannique), Glenda Jackson, donne une très bonne interprétation dans la série télévisée anglaise «  Elizabeth R. ». Si vous n’êtes pas allergique aux inexactitudes historiques, vous pouvez revoir « Les Tudors », série télévisée avec Jonathan Rhys-Meyers.

D’autre part je  vous recommande « To Hold the Crown : the Story of Henry  VII and Elizabeth of York » par Jean Plaidy, actuellement publié par Three Rivers Press à New York. De Jean Plaidy également, trois romans publiés dans un seul volume : « Katharine of Aragon, the Story of a Spanish Princess and an English Queen »  chez Three Rivers Press, New York.

 

Elisheva  Guggenheim -Mohosh

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