Entre 1536 et 1542 Henry VIII réussit un vrai tour de
force : il enterre quatre épouses et en divorce une.
Et il se lamente sur son sort. Sa première épouse, Katharine
d’Aragon, qui l’a aimé et qui l’a fidèlement secondé durant 23 ans est morte
seule en janvier 1536, reléguée dans un château obscur, son mariage annulé, sa fille Mary
déclarée bâtarde : lorsque son mari est tombé amoureux d’Anne Boleyn,
Henry a « soudain » découvert que leur mariage n’en a pas été un…
(voir nos articles du 9 , 12 et 14 mars 2013).
Anne Boleyn l’a trahi : elle ne lui a pas donné
l’héritier mâle légitime dont l’absence est devenue l'obsession numéro un d'Henry VIII... En 1536 il la fait
accuser d’adultère et d’inceste et la fait exécuter sans pitié, ensemble avec
son frère et plusieurs gentilshommes de sa Cour.La grande passion amoureuse
disparaît sans laisser de trace. Tandis que le corps décapité d’Anne Boleyn gît toute
une journée à côté du billot, Henry VIII s’en va chasser sur les terres des
frères Seymour, dont la jeune sœur, Jane, sera sa troisième épouse.
Et voilà, enfin, le fils légitime, Edward (futur roi Edward
VI), né le 12 octobre 1537.... Orphelin au bout de quelques jours. Sa mère, Jane Seymour, meurt de la fièvre
puerpérale et, entre ainsi dans le panthéon des épouses fidèles et adorées…
La quatrième épouse, Anne de Clèves, a une chance inouïe. Elle ne
plaît pas au roi qui refuse de consommer le mariage. Ils divorcent à l’amiable,
et s’appelleront, désormais : « Mon cher frère » et « Ma chère sœur ». L’idylle…
Katherine Howard, cousine germaine d’Anne Boleyn, très jeune dame d'honneur d'Anne de Clèves, sera la
cinquième épouse .Tous les témoignages des historiens concordent : Henry,
grossi, bouffi, caricature du beau jeune homme sportif du début de son règne, homme
malade et solitaire , aime vraiment cette jeune fille de trente ans sa cadette (la date de
naissance de Katherine Howard est incertaine : elle se situe entre 1518 et
1522). Il l’a croit pure. Il l’appelle « La rose sans épine »
(« Rose Without a Thorn » )…Henry, meurtrier impitoyable si on s’oppose à son désir, est,
au fond, un grand romantique. Il cherche toujours la belle jeune épouse
innocente, ou bien l’amour courtois des
troubadours ( qu'il est, dans une
certaine mesure : il est auteur-compositeur de très belles chansons de la
Renaissances anglaise !)…Sa déception et sa colère seront à la mesure de
ses illusions…
Lorsqu'il épouse en été1540 cette aristocrate
issue d’une branche pauvre de la grande
famille des Howard, (le grand clan catholique, opposé au clan protestant des
Seymour) la jeune Katherine est très loin d’être innocente. Elevée à la
« Cour » très libérale, permissive
et, souvent pervertie de sa grand-mère, la duchesse douairière de
Norfolk, elle a des relations amoureuses dès son plus jeune âge, avec son
professeur de musique, Henry Mannox, qui témoignera contre elle lors de son
procès, et plus tard avec Francis Dereham (ou Derham) qui va se considérer
comme le fiancé, en fait presque l’époux de Katherine. La promesse de mariage
faite avant d’entreprendre des relations sexuelles compte, aux yeux de
l’Eglise, comme une promesse pratiquement équivalant à un mariage. (« To
be precontracted » en anglais.) Ce fait aura son importance plus tard,
lorsque Katherine sera accusée d’adultère !
Katherine est très loin d’être cultivée ou, du moins, cultivée comme l’étaient les deux premières épouses d'Henry VIII,
Katharine d’Aragon et Anne Boleyn.( Ou, comme le sera la fille d'Anne, la future reine Elizabeth I). Katherine sait – à peu près – écrire, et c’est déjà rare pour une femme au 16-ème siècle. Ce qui l’intéresse, ce sont
les belles robes ,les beaux bijoux, les voyages somptuex, les beaux palais et…l’amour. Son amoureux, durant les 17 mois
de mariage à son époux gros, vieux et malade, c’est son lointain cousin, Thomas
Culpeper… Et Francis Dereham n’est pas
loin: il sera son secrétaire particulier.
Vers la fin 1541 l’affaire est découverte. Henry, choqué,
refuse d’abord d' y croire, mais
l’Archevêque de Canterbury, Thomas Cranmer mène une enquête sérieuse sur
la base des dénonciations des anciens serviteurs de la Duchesse de Norfolk.
Mannox moucharde, Dereham et Culpeper avouent sous la torture, Katherine nie en
bloc toute infidélité à Henry. Une légende tenace la décrit, à moitié folle de
peur, courant et hurlant « Henry ! Henry ! » dans le
couloir menant vers la chapelle où son mari écoute la messe. Elle espère encore qu'elle pourra
l’amadouer avec ses larmes. Les gardes du palais la ramènent dans sa chambre Elle est dans un tel état de confusion et de déespoir qu'on craint qu'elle ne se suicide. Elle sera
déchue de son titre de Reine d’Angleterre fin novembre 1541. Culpeper sera
décapité, Dereham écartelé en décembre1541.En février 1542 Katherine Howard sera
condamnée à mort pour adultère et trahison. Et c’est cette condamnation pour
trahison qui va sceller son sort.
On a prétendu que
c’est son système de défense qui était défaillant : elle n’aurait pas dû
nier ses relations avec Francis Dereham, mais au contraire, soutenir ensemble
avec ce dernier que leurs veux échangés avant leurs rapports sexuels pouvaient
être reconnus comme une forme de mariage. (« precontract ») Donc
pas de mariage valable avec le Roi: donc pas
d’adultère.
Mais ça n’aurait probablement servi à rien. Pour les juges
la trahison consistait dans le fait qu’elle n’a pas révélé à Henry VIII sa vie
sexuelle avant le mariage, qu’elle l’a induit en erreur. Et la trahison était
un crime qui méritait la mort. Katherine Howard sera décapitée le 13 février
1542, à l’âge de 18 ans selon certains auteurs, 20 ou 22 ans selon d’autres.
Pour s’être conduite comme une adolescente libérée du 21-ème siècle en plein
16-ème siècle anglais ? Pour avoir
trahi un vieux romantique sanguinaire qui ne se regardait plus dans son
miroir ? Pour s’être conduite comme une « petite
écervelée » naïve et spontanée dans
cette Cour cultivée et dangereuse qu’était la Cour de Henry VIII ?
En tout cas, la prochaine (et dernière) épouse de Henry VIII
sera une sage et douce dame, deux fois veuve et excellente infirmière :
Catherine Parr.
Je vous recommande la lecture de
trois livres : deux livres d’historiennes et un livre de
romancière.
" The Six Wives of Henry VIII ", l’ouvrage devenu
classique de Dame Antonia Fraser,
Mandarine Paperbacks, Londres 1992. Même titre d’ Alison
Weir, paru en 1993. Et ma référence habituelle dans ce blog :la romancière
anglaise décédée en 1993, Jean Plaidy, (connue également comme Victoria Holt) :
« The Rose Without a Thorn »,
paru en paperback chez Three Rivers Press à New York, après la mort de l’auteur.
Elisheva Guggenheim-Mohosh