vendredi 22 mars 2013

Katherine Howard, une adolescente écervelée et tragique.



 
Entre 1536 et 1542 Henry VIII réussit un vrai tour de force : il enterre quatre épouses et en divorce une.  Et il se lamente sur son sort. Sa première épouse, Katharine d’Aragon, qui l’a aimé et qui l’a fidèlement secondé durant 23 ans est morte seule en janvier 1536, reléguée dans un château obscur, son mariage annulé, sa fille Mary déclarée bâtarde : lorsque son mari est tombé amoureux d’Anne Boleyn, Henry a « soudain » découvert que leur mariage n’en a pas été un… (voir nos articles du 9 , 12 et 14 mars 2013).

 Anne Boleyn l’a trahi : elle ne lui a pas donné l’héritier mâle légitime dont l’absence est devenue  l'obsession numéro un  d'Henry VIII... En 1536 il la fait accuser d’adultère et d’inceste et la fait exécuter sans pitié, ensemble avec son frère et plusieurs gentilshommes de sa Cour.La grande passion amoureuse disparaît sans laisser de trace. Tandis que le corps décapité d’Anne Boleyn gît toute une journée à côté du billot, Henry VIII s’en va chasser sur les terres des frères Seymour, dont la jeune sœur, Jane, sera sa troisième épouse.

 Et voilà, enfin, le fils légitime, Edward (futur roi Edward VI), né le 12 octobre 1537.... Orphelin au bout de quelques jours. Sa mère, Jane Seymour, meurt de la fièvre puerpérale et, entre ainsi dans le panthéon des épouses fidèles et adorées…

 La quatrième épouse, Anne de Clèves, a une chance inouïe. Elle ne plaît pas au roi qui refuse de consommer le mariage. Ils divorcent à l’amiable, et s’appelleront, désormais : « Mon cher frère » et  « Ma chère sœur ». L’idylle…

 Katherine Howard, cousine germaine d’Anne Boleyn, très jeune dame d'honneur d'Anne de Clèves, sera la cinquième épouse .Tous les témoignages des historiens concordent : Henry, grossi, bouffi, caricature du beau jeune homme sportif du début de son règne, homme malade et solitaire , aime vraiment cette jeune fille  de trente ans sa cadette (la date de naissance de Katherine Howard est incertaine : elle se situe entre 1518 et 1522). Il l’a croit pure. Il l’appelle « La rose sans épine » («  Rose Without a Thorn » )…Henry, meurtrier  impitoyable si on s’oppose à son désir, est, au fond, un grand romantique. Il cherche toujours la belle jeune épouse innocente, ou bien l’amour courtois   des troubadours  ( qu'il est, dans une certaine mesure : il est auteur-compositeur de très belles chansons de la Renaissances anglaise !)…Sa déception et sa colère seront à la mesure de ses illusions…

Lorsqu'il épouse en été1540 cette aristocrate  issue d’une branche pauvre de la grande famille des Howard, (le grand clan catholique, opposé au clan protestant des Seymour) la jeune Katherine est très loin d’être innocente. Elevée à la  « Cour » très libérale, permissive et, souvent pervertie de sa  grand-mère, la duchesse douairière de Norfolk, elle a des relations amoureuses dès son plus jeune âge, avec son professeur de musique, Henry Mannox, qui témoignera contre elle lors de son procès, et plus tard avec Francis Dereham (ou Derham) qui va se considérer comme le fiancé, en fait presque l’époux de Katherine. La promesse de mariage faite avant d’entreprendre des relations sexuelles compte, aux yeux de l’Eglise, comme une promesse pratiquement équivalant à un mariage. (« To be precontracted » en anglais.) Ce fait aura son importance plus tard, lorsque Katherine sera accusée d’adultère !

 Katherine est très loin d’être cultivée  ou, du moins, cultivée comme l’étaient  les deux premières épouses d'Henry VIII, Katharine d’Aragon et Anne Boleyn.( Ou, comme le sera la fille d'Anne, la future reine Elizabeth I). Katherine sait – à peu près – écrire, et c’est déjà  rare pour une femme au  16-ème siècle. Ce qui l’intéresse, ce sont les belles robes ,les beaux bijoux, les voyages somptuex, les beaux palais et…l’amour. Son amoureux, durant les 17 mois de mariage à son époux gros, vieux et malade, c’est son lointain cousin, Thomas Culpeper… Et Francis Dereham  n’est pas loin: il sera son secrétaire particulier.

Vers la fin 1541 l’affaire est découverte. Henry, choqué, refuse d’abord d' y croire, mais  l’Archevêque de Canterbury, Thomas Cranmer mène une enquête sérieuse sur la base des dénonciations des anciens serviteurs de la Duchesse de Norfolk. Mannox moucharde, Dereham et Culpeper avouent sous la torture, Katherine nie en bloc toute infidélité à Henry. Une légende tenace la décrit, à moitié folle de peur, courant et hurlant « Henry ! Henry ! » dans le couloir menant vers la chapelle où son mari écoute la messe. Elle espère encore qu'elle pourra  l’amadouer avec ses larmes. Les gardes du palais la ramènent dans sa chambre Elle est dans un tel état de confusion et de déespoir qu'on craint qu'elle ne se suicide. Elle sera déchue de son titre de Reine d’Angleterre fin novembre 1541. Culpeper sera décapité, Dereham écartelé en décembre1541.En février 1542 Katherine Howard sera condamnée à mort pour adultère et trahison. Et c’est cette condamnation pour trahison qui va sceller son sort.

On a prétendu que c’est son système de défense qui était défaillant : elle n’aurait pas dû nier ses relations avec Francis Dereham, mais au contraire, soutenir ensemble avec ce dernier que leurs veux échangés avant leurs rapports sexuels pouvaient être reconnus comme une forme de mariage. (« precontract ») Donc  pas de mariage valable avec le Roi: donc pas d’adultère.

 Mais ça n’aurait probablement servi à rien. Pour les juges la trahison consistait dans le fait qu’elle n’a pas révélé à Henry VIII sa vie sexuelle avant le mariage, qu’elle l’a induit en erreur. Et la trahison était un crime qui méritait la mort. Katherine Howard sera décapitée le 13 février 1542, à l’âge de 18 ans selon certains auteurs, 20 ou 22 ans selon d’autres. Pour s’être conduite comme une adolescente libérée du 21-ème siècle en plein 16-ème siècle anglais ?  Pour avoir trahi un vieux romantique sanguinaire qui ne se regardait plus dans son miroir ? Pour s’être conduite comme une « petite écervelée »  naïve et spontanée dans cette Cour cultivée et dangereuse qu’était la Cour de Henry VIII ?

 En tout cas, la prochaine (et dernière) épouse de Henry VIII sera une sage et douce dame, deux fois veuve et excellente infirmière : Catherine Parr.


Je vous recommande la lecture de  trois livres : deux livres d’historiennes et un livre de romancière.
" The Six Wives of Henry VIII ", l’ouvrage devenu classique de Dame Antonia Fraser,
Mandarine Paperbacks, Londres 1992. Même titre d’ Alison Weir, paru en 1993. Et ma référence habituelle dans ce blog :la romancière anglaise décédée en 1993, Jean Plaidy, (connue également comme Victoria Holt) : « The Rose Without a Thorn »,  paru en paperback chez Three Rivers Press à New York, après la mort de l’auteur.


Elisheva Guggenheim-Mohosh

4 commentaires:

  1. Excellent article. Pour moi même si les femmes d'Henri étaient toutes des victimes, la vrai reste Catherine d'Aragon étant donné qu'elle n'a rien fait de mal et Katherine Howard à cause de son insouciance qui plus est être marié à quelqu'un comme Henri ne devait pas trop faire ravir ses femmes. Anne Boleyn et Jane Seymour(même si elles ne méritaient pas de mourir j'en conviens)
    étaient des ambitieuses qui ont causé la chute et la perte des gens pour leurs intérêts même si elles ont fait des bonnes choses (Anne a sauvé la vie de Nicolas Bourbon et a été la clé de la réforme tandis que Jane a donné de l'argent à Elizabeth qui a été déclarée illégitime et aider Mary Tudor à se réconcilier. Mais j'ai une théorie et je pense ne pas être la seule: si Henri déteste autant les femmes savantes et qu'il adorait les femmes pas très cultivées comme Jane Seymour c'est parce que les deux les plus cultivées(Catherine d'Aragon et Anne Boleyn) ne lui avait pas donné un fils contrairement à Janequi était comme vous le dites si bien son obsession numéro 1).
    Je vous félicite pour votre grand travail dans laquelle j'ai beaucoup appris.
    Pour vous qui était la plus grande victime entre Katherine Howard et Catherine Aragon?

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