« When
in disgrace with fortune and men’s eyes
I all alone beweep my outcast state…”
Shakespeare,
Sonnet XXIX.
Que Henry VIII trompe et humilie Katharine, c’est déjà
l’évidence après dix années de mariage: ne doit-elle pas assister au baptême
de Henry Fitzroy, le fils illégitime que lui a donné sa maîtresse Betsy Blount
en 1519 ? Henry ne pleurniche -t-il pas tous les jours que Dieu ne lui a pas
accordé d’héritier mâle légitime, alors que deux des six grossesses de sa femme
ont abouti à la naissance de garçons vivants ? Etait-ce la faute de
Katharine que la mortalité des bébés
au
16-ème siècle soit si élevée et que les deux garçons soient morts peu après
leur naissance ?
Henry devient, avec l’âge de plus en plus hypocrite. Si sa
conscience le torture, il dévie la faute sur quelqu’un d’autre. Il invente une
théorie qui l’arrange bien : si Dieu est fâché avec lui (et avec
Katharine) c’est qu’ils on vécu durant tout leur mariage dans le pêché. Leur
mariage n’en était pas un : il a épousé
la veuve de son frère, chose interdite par la Bible. Ce sentiment pieux,
faisant fi de son parfait consentement lors
de son mariage avec Katharine en avril 1509, de son amour et son
enthousiasme, et, très probablement, du fait que le mariage de Katharine avec
son frère n’a jamais été consommé, (voir notre article du 9 mars 2013) donc
que Katharine n’était pas la femme d’Arthur Tudor dans le sens biblique du
terme, et il, Henry, devait le savoir plus que quiconque…Tout cela, il relègue
dans les profondeurs de sa conscience. La vérité est – pour l’homme qu’il est
devenu avec l’âge – ce qui arrange le Roi. Le Roi et son obssession : ce
« secret » qu’on appellera « The King’s Secret Matter », à
savoir la détermination d’Henry de se débarasser de sa femme fidèle et aimante,
pour épouser la femme dont il est épris et qui se refuse à
lui (« Your wife I cannot be, your mistress I shall not be »)
tant qu’il ne l’épouse pas : Anne Boleyn.
Dès juin 1527 l’intention d’Henry de se séparer d’elle est
connue par Katharine. Elle, qui a toujours souffert en silence, le sourire aux
lèvres à chaque apparition publique, devient une tigresse. Elle défend
désormais non seulement son honneur, sa dignité de Reine, d’Infante d’Espagne,
de tante de l’Empereur Charles Quint. Elle défend le statut de sa fille,
héritière du trône d’Angleterre. Sa fille, que Henry VIII (fortement sous
l’influence d’Anne Boleyn, dont l’impudence ne connaît plus de limites) éloigne
de sa mère et que Katharine ne reverra que très peu jusqu’à sa mort. Cette
séparation et l’humiliation de voir disputailler « sa virginité » au
moment de l’union avec Henry, le fait qu’on en fait une affaire internationale
(entre l’Angleterre, d’abord du Cardinal Wolsey, puis du Cardinal Cranmer d’une
part, de l’Espagne de Charles Quint
et
le Saint Siège de l’autre part…)rendent Katharine malade. Mais malgré sa
faiblesse physique, elle ne cède pas d’un iota. Elle
ne veut pas d’un tribunal anglais. En 1529,
après une plaidoirie passionnée, prononcée à genoux devant son mari, elle
quitte fièrement la salle du tribunal. Elle veut que son affaire soit jugée à
Rome. Henry VIII et Anne Boleyn ne cachent plus du tout leur affaire devant le
peuple. Et le peuple déteste de plus en plus Anne et crie sur son passage
« No Nan Bullen !!! » pour lui signifier qu’elle n’est qu’une
parvenue, une usurpatrice, qui « fait
tant de mal à notre Bonne Reine
Katharine »..,
Les relations entre Henry VIII et Katharine d’Aragon se
dégradent à un tel point qu'en juillet 1531 le roi quitte le Château de Windsor sans prendre
congé de sa femme. Ils ne se reverront plus.
Katharine est reléguée d’un château obscur à un autre.
Henry rompt avec Rome et devient le chef de l’Eglise de l’Angleterre et tous
ceux qui ne reconnaissent pas son nouveau statut (dont le Cardinal John Fisher
et le Chancelier Thomas More) y perdront leur vie. Comme Katharine, catholique
romaine convaincue, ne reconnaît certainement pas cette rupture avec Rome, elle
se séparera de plus en plus de ceux qui osent reconnaître la Suprématie de
l’Eglise d’Angleterre. Elle restera de plus en plus seule. Elle devra restituer
à Henry ses bijoux.
Son mariage sera
annulé par une Cour anglaise le 23 mai 1533 et, désormais, Katharine ne sera
plus Reine d’Angleterre, mais simplement Princesse Douairière de Galles, veuve
d’Arthur Tudor. Katharine (tout comme la papauté) ne reconnaîtra jamais cette annulation et exigera
qu’on l’appelle Reine d’Angleterre.
Le 25 janvier 1533 Henry épouse en secret sa maîtresse.
Katharine n’en
sera informée qu’en avril
1533. Lorsque la fille d’Anne Boleyn naît, le 7 septembre 1533 (ce n’est autre
que la future reine Elizabeth I) la princesse Mary, fille de Katharine d’Aragon
sera assignée comme dame d’honneur au bébé…Anne sera couronnée Reine d’Angleterre en juin 1533.
« Anne des Milles Jours »…Le 7 janvier 1536 Katharine d’Aragon mourra
seule, sans la présence de sa fille unique Mary, dans les bras de Maria de
Salinas, Lady Willoughby, qui l’a accompagnée d’Espagne 34
années auparavant. Henry et Anne montreront
leur joie, avec
un parfait mauvais goût,
en paraissant habillés en jaune lors d’un bal de la Cour.
Au « Beau Mois de Mai » de la même année Anne
Boleyn, accusée d’inceste et d’adultère, sera décapitée à la Tour de Londres.
Sic transit gloria mundi.
Fin de la série de 3 articles.
Elisheva Guggenheim -Mohos
comment ça se fait qu'on célèbre le mariage d'Anne et Henry avant l'annulation du mariage de
RépondreSupprimerCatherine et Henry?
Effectivement, le mariage d'Anne Boleyn et de Henry VIII précéde l'annulation décidée par le Cardinal Cranmer. Cranmer,( comme Henry) affirme que le mariage d'Henry et de Katharine n'a jamais été valable.Donc, Henry était, en fait, "célibataire" et en droit d'épouser qui il voulait. Mais alors, pourquoi annuler un mariage "inexistant"? Ce ne sera que la première de la longue série d'inconsistances d'Henry VIII.
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