lundi 17 décembre 2012

Richard III et Anne Neville:casser le stéréotype shakespearien!


(« The day is ours, the bloody dog is dead. » Shakespeare, Richard III, acte V.)

Essayez de visionner sur DVD ( ou même sur You Tube) quelques  scènes de trois films : le très classique «  Richard III » de Sir Laurence Olivier (1955) avec Sir Olivier dans le rôle de Richard III et Claire Bloom dans celui de Lady Anne, ou bien l’adaptation moderne de la pièce de Shakespeare, où Sir Ian McKellen (acteur et producteur) joue un Richard III dictateur fasciste des années 30’ dans le film de Richard Loncrain datant de 1995 (avec Kristin Scott-Thomas dans le rôle d’Anne Neville). Et, last but not least, le très original essai-cinématgraphique d’ Al Pacino, mi - théâtre filmé, mi- reportage : «  Looking for Richard » sorti en 1996. Ici c’est Al Pacino qui joue l’archétype du vilain shakespearien avec Wynona Rider dans le rôle de  Lady Anne Neville.

Ces trois excellentes adaptations de la pièce de William Shakespeare ont ceci en commun : elles perpétuent toutes trois le stéréotype shakespearien de Richard de Gloucester, monstre difforme et bossu, assassin sans scrupules, manipulateur cynique,  être totalement amoral. Pourquoi nous  réjouissons-nous tant lorsque, à la dernière scène, son cri pathétique «  Un cheval ! Un Cheval !… » reste sans réponse et qu' il finit par être tué à la bataille de Bosworth Field? Parce qu’il est tué, (du moins selon Shakespeare), par Henry, Comte de Richmond, plus tard  Henry VII, premier souverain de la dynastie des Tudor et Glorieux Grand-père de la Reine Elizabeth I, bienfaitrice de l’auteur ! On comprend alors mieux la phrase terrible de la dernière scène de la pièce : « The day is ours, the bloody dog is dead. » (Nous avons gagné. Le sale chien est mort.)

 Shakespeare fut, du moins jusqu’à 1603, un auteur de théâtre élisabéthain. Sa pièce est clairement une hagiographie de la dynastie Tudor. Il doit vilipender Richard III  (1452-1485),  le dernier souverain de la Maison de York , afin de mieux chanter la gloire de la nouvelle dynastie, celle des Tudors, (dont la légitimité a toujours été fortement contestée ).Shakespeare n’est pas le premier auteur  du 16-ème siècle qui décrit Richard III comme un monstre, aussi bien sur le plan physique que moral : Sir Thomas More l’a fait avant lui. Mais c’est la pièce de Shakespeare qui est « responsable » du stéréotype de l’être sans-cœur ,vil séducteur incapable d’amour, qui, en soumettant à sa passion Lady Anne, alors qu’elle accompagne le cercueil de son mari, déclare cyniquement, en se tournant vers le public: « I’ll have her, but I’ll not keep her long.. » Je l’aurai. Mais je ne la garderai point ! (entendez par- là : je l’éliminerai, elle aussi.. ).

 La romancière anglaise Jean Plaidy, que je cite souvent dans mes commérages, n’est ni la seule, ni même la première à remettre en question le stéréotype shakespearien de  «  Richard III être abject », « Richard III assassin » , « Richard III séducteur sans-cœur, qui ment comme il respire ». Ce stéréotype est très contesté depuis le 17-ème siècle. Ses défenseurs les plus ardents sont Horace Walpole au 18-ème siècle, qui nie la difformité monstrueuse de Richard et le fait que Richard soit le commanditaire de l’assassinat de ses jeunes neveux de 12 et 9 ans, disparus mystérieusement à la Tour de Londres. Clements Markham, au début du 20-ème siècle dit, d’une manière implicite, que c’était plutôt Henry VII qui a fait éliminer les jeunes princes, pour asseoir sa légitimité !

 Jean Plaidy, elle, consacre un roman, « The Reluctant Queen » (G.P. Putnam and Sons, New York, 1991) à Lady Anne Neville, épouse de Richard Duc de Gloucester, plus tard Richard III.Elle y décrit Richard comme un être loyal et aimable, très apprécié par ses sujets et adoré par sa femme, et ceci depuis leur plus tendre enfance…Très loin est l’image de Richard séduisant Lady Anne, dans une scène erotico-morbide, dans la pièce de Shakespeare. Selon Jean Plaidy, Richard a aimé Anne Neville depuis toujours, leur union était heureuse, malgré la tragédie de la mort de leur fils unique et les craintes d’Anne lors de l’accession de Richard au trône (craintes selon lesquelles il voulait se débarrasser d’elle pour épouser sa nièce, Elizabeth..) étaient injustifiées. Ces craintes venaient du fait  
que–selon Plaidy-  bien que Richard ait été   une personne fondamentalement loyale ,il  était  aussi un être  ambitieux et avait de nombreux ennemis qui le diffamaient. Anne, elle, ne voulait autre chose  qu’une vie familiale tranquille et heureuse .Elle n’a jamais voulu être reine, ni lorsqu’on l’a fiancé à Edward, prince de Galles (tué à la bataille de Tewkesbury ) ni lorsqu’elle a épousé l’amour de sa vie, le Duc de Gloucester, futur Richard III .Etre reine malgré elle était la tragédie de sa vie.

Alors que je suis en train de publier cet article, l’équipe d’archéologues qui cherchait les ossements de Richard III sous un parking dans le comté de Leicester, en Angleterre, vient de déclarer que selon les examens préliminaires de l’ADN les ossements correspondent à  ceux de Richard III. Si ces résultats se confirment, Richard III sera enterré en 2013, avec les honneurs dûs à son rang de Roi  d’Angleterre, en la Cathédrale de Leicester.

PS:
L’enterrement de Richard III  a finalement eu lieu début 2015, en présence de membres de la famille royale et du comédien anglais Benedict Cumberbatch, (descendant direct de la Maison de York et cousin- au 17- me degre- du roi Richard III) qui a lu un poème en honneur de son lointain parent.La cérémonie a eu lieu 530 ans après la mort de Richard de Gloucester ( Richard III)...

Elisheva Guggenheim-Mohosh.

4 commentaires:

  1. Excellent article!!
    Il est vrai qu'il est grand temps de rendre justice au roi Richard III. Je pense aussi que c'est Henry VII qui a tué les deux jeunes garçons dans la tour - pour assoir sa légitimité et pour s'assurer une alliance avec l'Espagne qui a dit que Isabelle de Castilles et Ferdinand d'Aragon n'enverraient Katherine d'Aragon que si il tuait les derniers prétendants au trone.
    Grace à vous j'en apprends tous les jours et ça me donne envie de m'interresser à l'histoire
    Ps: comptes vous faire un article sur les auteurs de roman historiques comme Philippa Gregory , Hilary Mantel,etc...

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  2. L'enterrement du roi Richard III a eu lieu le 26 mars 2015 en la Cathédrale de Leicester, en présence de quelques membres de la famille royale et surtout de celle de l'acteur britannique Bénédict Cumberbatch, probablement descendant direct de la Maison de York, donc directement lie par le sang aussi bien à Edward IV qu'a Richard de Gloucester ( Richard III). L'acteur, très populaire , ( "Sherlock", " The Imitation Game"...) à lu un poème en honneur de son lointain cousin.L'enterrement a eu lieu 530 ans après la mort de celui que des générations d'admirateurs de Shakespeare ont appris à détester.

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