dimanche 16 décembre 2012

John et Sarah Churchill,un couple d'amoureux très ambitieux.


Si vous croyez, comme moi, que les paroles des vieilles chansons françaises sont, souvent, de magnifiques documents historiques, essayez d’écouter une fois des enfants français qui chantent, sans comprendre le « background » historique et surtout, sans avoir la moindre idée de la cruauté absolue du texte : «  Malbrough s’en va-t-en guerre, mironton- mironton mirontaine… » Ils rythment souvent leur jeux  en chantant ces paroles avec la mélodie de la non moins célèbre chanson anglaise « For He’s a Jolly Good Fellow »…

Mais qui est ce « Malbrough » mystérieux, qui « s’en va-t-en  guerre » ? Il s’agit, bien sûr, de John Churchill, Duc de Marlborough, ex- amant  (gigolo ?) de la fameuse Barbara Palmer, Comtesse de Castelmaine, elle-même une des favorites-en-titre  de Charles II Stuart, roi d’Angleterre (The Merry Monarch of England…1660-1685). Mais cet épisode de jeunesse de  la vie de John Churchill est vite oublié si l’on considère sa biographie entière. Il est certainement le plus grand soldat de la fin 17-ème, début du 18-ème siècle. Vainqueur, (entre autres batailles de la longue guerre européenne  causée par la Succession d’Espagne),de la Bataille de Blenheim. Victoire pour laquelle la reine Anne Stuart  le récompense en finançant (en partie…) la construction d’une magnifique demeure familiale dans les environs d’Oxford : le splendid Château de Blenheim. John Churchill , issu de la petite noblesse anglaise, fonde une glorieuse dynastie : il est l’arrière-arrière-arrière-grand-père à la fois de Sir Winston Churchill et de Lady Diana Spencer, Princesse de Galles,l’épouse défunte du Prince Charles et mère du Prince William, futur roi d’Angleterre.

Mais revenons à la chanson. La gloire militaire de John Churchill est restée dans toutes les mémoires, certes, mais ils s’est fait beaucoup d’ennemis dans la conscience populaire européenne et les enfants français chantent encore  cette ronde enfantine pleine  de malveillance : « Malbrough s’en va-t-en guerre.. » « Qui sait s’il reviendra ? »  « Il reviendra à Pâques, ou à la Trinité ».  Mais, quelle joie : « La  Trinité se passe….Malbrough ne revient pas ! »

Quelle bonne nouvelle : John Churchill, duc de Marlborough, disparu sur le champ de bataille !! Il est, plus ou moins, un MIA ! (Missing  In Action… Comme à la Guerre du Vietnam…). Mais pourquoi ne pas aller plus loin dans la cruauté ? On avertit sa femme : il ne reviendra jamais. « Monsieur Malbrough est mort ! Est mort et enterré ! « 

Qui est cette épouse, et pourquoi est-on si heureux  de lui faire du mal ? Il s’agit, bien sûr, de la belle Sarah Jennings-Churchill, Duchesse de Marlborough, la femme la plus ambitieuse de l’Angleterre et l’amour de la vie de John Churchill. Et si cette ronde enfantine française est si méchamment  dirigée non seulement à l'encontre du grand soldat mais aussi à l'encontre de son épouse, c’est que l’histoire d’amour entre John et Sarah Churchill est certainement une des histoires d’amour les plus célèbres de la fin du 17-ème et le début du 18-ème siècle. John gagne ses batailles sur les champs d’honneur du continent européen. Sarah gagne ses batailles à la Cour de la reine Anne.

 Sarah Churchill est une manipulatrice et une intrigante De grande classe.Déjà lorsqu’elles n’étaient que des adolescentes la jeune Sarah Jennings  avait une relation très malsaine avec la jeune Anne Stuart, qui n’était, à l’époque, qu’une des héritières présomptives au trône d’Angleterre. Lorsque, après le renversement de son père catholique, Jacques II Stuart et après les décès successifs des héritiers de Jacques II(, les époux Mary II et Guillaume d’Orange, souverains conjoints d’Angleterre) c’est enfin Anne qui monte sur le trône en 1702. Après cette date il ne s’agit plus simplement d’une relation malsaine entre deux jeunes amies dont l’une (Sarah) domine totalement l’autre (Anne). Il s'agit désormais d’une relation entre une femme épanouie, mère de famille comblée et épouse
heureuse, qui par nature, par intérêt, mue par une ambition dévorante, manipule totalement un souverain régnant:  à savoir Anne Stuart.Anne, une femme malheureuse qui, sur 18 grossesses pathétiques n’a eu qu’un enfant vivant. Un fils malade qu’elle a adoré et qui est mort à l’âge de 11 ans.

 Sarah Churchill n’a qu’une obsession dans sa vie : l’avancement de la famille Churchill, la gloire de John, la grandeur de la dynastie des Marlborough. Elle deploie ses talents de manipulatrice non seulement auprès de la grosse et triste reine dont elle est la favorite.  Elle use de son  immense influence politique auprès les ministres et les partis, aussi bien lesWhigs que les Tories.Elle fait et et défait les gouvernements. Elle  tyrannise les architectes des grandes œuvres, ( dont l’architecte Vanbrugh  qu’elle déteste, car elle veut que ce soit le grand Christopher Wrenn, en personne, qui édifie le Palais de Blenheim, le plus grand monument consacré à la Gloire des Churchills et qui finira par coûter des sommes inimaginables ). Mais Sarah manipule également l’entourage de la reine Anne, y compris ses domestiques. Et c’est justement une femme de chambre de la reine, une parente pauvre qu’elle, Sarah, avait placée auprès d’Anne, qui causera sa perte. Abigail Hill, intrigante à sa manière douce, secrète et silencieuse, réussira à évincer l’exubérante Sarah Churchill de la place qu’elle occupait à la Cour  de la reine Anne. Anne qui va se révéler plus têtue, plus forte et moins bête que Sarah ne l’avait imaginée… Et c’est  Abigail Hill sera la nouvelle conseillère et la nouvelle favorite de  Queen Anne, la dernière des Stuarts.

Après la rupture de Sarah et d’Anne en 1711, le Duc et la Duchesse de Marlborough partiront en exil. Ils ne reviendront en Angleterre qu’après la mort de la reine Anne en 1714, lors de  l’avènement d’une nouvelle dynastie : celle des Hanovre. John mourra en 1722. Sarah, inconsolable, continuera à intriguer jusqu’à sa mort en 1744.

Pour illustrer ce récit je vous recommande la lecture de « Courting her Highness : the Story of Queen Anne » écrit par la romancière anglaise Jean Plaidy .Un bon livre, publié d’abord sous le titre « The Queen’s Favorites » par Robrt Hale,en 1966, à Londres,et ensuite  publié sous le nouveau titre aux USA, par Broadway  Paperbacks, en 1994,  une année après la mort de l’écrivain.

 Elisheva Guggenheim-Mohosh

 Voir aussi mon autre blog, Les Billets d’Elisheva Guggenheim et les quatre récits consacrés à la Guerre du Pacifique: www.elishevaguggenheim.blogspot.ch


 

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